Subtitle (3ème Partie)



Lieu : Point Ephémére, Paris, France
Date : Samedi 22 avril 2006

Hip-Hop Core: La science et la technologie ont toujours occupé une part importante dans tes textes et ta musique. J'imagine que ça vient directement de ton éducation… mais c'est devenu encore plus évident avec LabWaste. Peux-tu nous parler un peu de cette obsession pour la technologie?



Subtitle: J'étais un nerd quand j'étais plus jeune. Mes seules occupations étaient d'aller à l'école et de lire des livres, et même quand j'ai commencé à faire l'école buissonnière et que je me suis mis au skate-board, je n'arrêtais pas de lire. Très tôt, j'ai été fasciné par les comics, par la science-fiction, l'heroic fantasy, etc. Du coup, la science et tous ses dérivés ont toujours été des sujets importants dans mon travail, parce que c'est un univers que j'ai toujours côtoyé. Mon père travaillait dans une fabrique d'armes et ma mère était chimiste à l'époque. J'ai toujours été entouré par des gens dont le travail était basé sur la science ou qui évoluait dans ce monde-là, donc c'était naturel d'en parler quand je me suis mis à rapper… Cependant, si Hieroglyphics n'avaient pas fait le titre 'Burnt' (ndlr: une des faces-B du single 'Mistadobalina' de Del, sorti en 1991 et récemment mise à disposition du grand public sur le best-of partiel "The Elektra Years") où ils sortaient des phases de fou, je n'aurai probablement jamais rappé sur des sujets comme celui-ci, parce que je me serais dit que ça ne serait pas bien vu.

Jusqu'à ce titre, j'avais uniquement entendu quelques trucs East Coast et j'étais à fond dans A Tribe Called Quest, De La Soul, tous les trucs de la Native Tongues et 3rd Bass. Parce qu'ils avaient des beats mortels et qu'ils rappaient de manière cool sur des sujets cools. Mais quand j'ai entendu leurs contemporains de la West Coast, je me suis dit: "Ok, il est temps que je me mette au rap". Del rappaient sur les bandes dessinées, sur ses trajets en bus et sur plein d'autres trucs que je faisais moi aussi… Alors 'Burnt' et aussi 'Remain Anonymous' de Ras Kass, ces 2 titres ont vraiment eu un impact énorme sur moi. C'est pareil… Quand j'ai entendu 'Hot Potato' de Freestyle Fellowship pour la première fois, ça ne m'a pas impressionné plus que ça. C'était cool, très jazzy, mais il a fallu que j'entende 'Six Tray', 'Bomb Zombies' et toutes les chansons un peu dingues qu'il y avait sur "Inner City Griots" pour que je commence vraiment à apprécier FF.

Pour en revenir à ta question, quand j'ai eu mon bac et que je suis allé à l'université, j'ai commencé à étudier plus de sujets. J'ai eu accès à plein de bibliothèques et j'ai commencé à lire des thèses. C'est comme ça que j'ai retenu des petits mots et toute une terminologie qui est restée gravée dans un coin de ma tête. C'est ressorti dans mes textes naturellement. En plus, personne ne rappait vraiment là-dessus, donc ça m'a permis de me distinguer un peu de la masse des emcees, ce qui est plutôt cool. Dans l'absolu, Kool Keith rappait déjà un peu sur ce genre de thèmes, mais la moitié de ses trucs avait du sens parce qu'il était probablement en train de lire un livre quand il avait écrit son texte, alors que l'autre moitié n'avait aucun sens, parce que c'est Kool Keith!



HHC: Qu'est-ce que tu étudiais exactement à l'université?



S: J'ai étudié tout un tas de trucs: l'informatique (la programmation et le design de sites web notamment), puis l'art et le graphisme, un peu de photographie, et puis j'ai terminé par l'ingénierie du son et la conception sonore. Je n'avais plus qu'une année à faire avant d'avoir mon diplôme mais j'en avais vraiment marre donc j'ai quitté l'école ; je n'avais pas envie de payer encore une année. J'avais l'impression que ça n'en finirait jamais, que cette année en deviendrait sept de plus. Et puis je savais que le fait d'avoir un diplôme ne voulait pas nécessairement dire que je trouverai un bon job où je pourrais faire la même chose. J'ai plein d'amis qui ont été dans des écoles plus prestigieuses que moi et qui bossent dans un coffee shop… alors qu'ils ont payé 125 000 dollars pour leurs études. Je ne voulais pas être comme eux. J'ai senti que j'avais peut-être l'opportunité de faire autre chose, alors j'ai tenté ma chance et j'ai changé de voie.





HHC: C'était comment de grandir dans une famille qui est très impliquée dans la musique?



S: Ma famille est un peu bizarre, parce qu'avant que je me lance vraiment dans la musique, tout le monde me soutenait et m'encourageait, mais à partir du moment où je m'y suis mis, personne ne m'a vraiment acheté du matériel ou quoi que ce soit. Je voulais des leçons de violon et ma famille m'a donné de l'argent pour acheter un violon. Mais le prof n'est pas venu et au bout d'une semaine, ils ont repris l'argent… Aussi, j'avais une clarinette et j'en ai joué pendant un bon moment quand j'étais gosse, mais je m'en suis désintéressé au fil du temps, parce que c'était difficile et que personne ne me poussait vraiment à persévérer. Et même plus tard, quand j'ai commencé à écrire des raps, ils m'ont toujours soutenu moralement mais ils ne m'ont pas trop apporté de soutien matériel… Le seul truc que ma mère m'ait acheté pour le rap, ça devait être un classeur pour ranger mes textes. Donc, je savais qu'une grande partie de ma famille me soutenait dans ma démarche, mais à un moment mon père a quand même pensé que j'étais fou… Genre "tu vas laisser tomber l'université pour faire du rap!" Ils ne connaissaient pas une seule personne qui gagne de l'argent grâce au rap donc ils trouvaient ça stupide.

Donc ouais, dès mon plus jeune âge, j'ai toujours été en contact direct avec la musique, mais quand j'ai vraiment voulu m'y mettre, je me suis retrouvé tout seul pour y arriver. Quand les gens ont vu que j'avais des facilités pour ça et que c'était vraiment ce que je voulais faire, ils m'ont soutenu, mais ça a pris plus de vingt ans…



HHC: Une grande partie de ta carrière se compose de CD-R's et de cassettes pour le moins confidentiels et obscurs. Quand est-ce que tu as décidé qu'il était temps pour toi de passer à quelque chose d'un peu plus pro et de rentrer en contact avec des labels dignes de ce nom?



S: Ca a vraiment démarré avec la cassette Weekend Science Experiment en fait. C'était notre tout premier enregistrement professionnel où on disposait de masters et tout le tintouin. Après ça, le passage à de "vrais CD's" n'était plus qu'une question de temps en fait… Je n'avais pas beaucoup d'argent à l'époque et, quand j'en avais, j'étais trop stupide pour l'investir dans le pressage de disques. J'ai même arrêté le rap pendant un moment : ça m'éclatait de faire des beats complètement fous.

C'est là que j'ai rencontré Sonny K de GSL. Je voulais travailler pour le label… Je n'avais même pas envie d'être un artiste du label à la base, je voulais juste y bosser. Mais Sonny aimait bien ce que je faisais. Ca lui a pris un peu de temps pour mettre les choses sur pied mais quand il m'a demandé de faire quelque chose pour son label, je n'ai pas hésité, vu que j'ai toujours été fan de leur artwork, de leur charte graphique, de leurs groupes… Quand j'ai décidé de faire un vrai CD, j'avais déjà pu parler avec pas mal de labels qui me disaient tous la même chose: "Vous faites des disques sur 4-pistes. Allez dans un studio, enregistrez un album proprement et on le sortira." Mais ça coûte de l'argent d'aller en studio et il n'était pas question pour moi d'investir tout cet argent juste pour leur faire plaisir… Dans le même temps, GSL me disaient qu'ils aimaient bien mes trucs 4-pistes et que si je pensais pouvoir faire un album studio qui sonne comme ça, ils le sortiraient volontiers. A peine ces mots prononcés, comme par miracle, j'ai eu accès à tout plein de matos: un enregistreur 16-pistes numérique, une MPC et tout un tas de trucs que des gens m'ont passé pour enregistrer… Là, j'ai pu bosser.

Donc j'imagine que le changement s'est opéré dans ma tête en 2002. A l'époque, je n'avais plus envie de rapper. Je m'étais déjà fait à cette idée, mais quelques mecs de GSL m'ont dit que je devrais vraiment continuer, qu'ils voulaient en entendre plus… Ca a été comme un déclic et après ça, plus de retour en arrière possible… Il ne me restait plus qu'à enregistrer des titres que je puisse sortir à une échelle un peu plus importante qu'une centaine de CD-R's…





HHC: Maintenant que tu as franchi le pas vers plus de professionnalisme, est-ce que tu penses que les sons avant-gardistes continueront de rester une composante essentielle de ta musique?



S: Bien sûr. Mais, que ce soit une bonne chose ou pas (ça dépend à qui tu demandes), je vais finir par me lasser de faire ces disques plein de bruits un peu fous, parce que j'en ai déjà fait 45, et j'aurai envie de faire un disque pop. C'est déjà un peu le cas avec mon disque pour Alpha Pup ; même s'il y a toujours des thèmes assez conceptuels, ça restera un disque assez normal. Et même "Young Dangerous Heart" est un disque normal, si on le compare avec "Lost Love Stays Lost". Ce n'est pas que je vais arrêter de faire des trucs avant-gardistes mais c'est juste que je souhaite que plus de gens puissent rentrer dedans.

Et puis, j'aurai toujours envie de travailler avec des gens différents. Quand j'ai commencé à bosser avec des gars de Detroit comme Wajeed de Bling 47 ou Ta'Raach, on a abouti à des sons "normaux", mais ce qui est normal à nos yeux ne l'est pas pour tout le monde, tu sais. C'est pour ça que je ne pense pas me retrouver un jour à faire des trucs chiants. En tout cas, j'espère.



HHC: Vu que tu t'es un peu ouvert sur l'extérieur en termes de sonorités ces derniers temps, est-ce que tu penses que tes techniques de production ont changé? Comment tu travailles sur un titre d'ailleurs?



S: Je n'ai toujours pas de méthode de travail à proprement parler. Mais disons que cette méthode s'est un peu perfectionnée. J'ai tout mon matos chez moi donc je balance tous mes sons dans Pro Tools et je l'utilise comme un sampler géant. Sinon, j'ai mon PC portable quand je suis sur la route… J'y mets tout ce que je peux sampler, je me fous que ce soit issu d'une cassette ou que ce soit d'un MP3. Ca fait 20 ans que j'achète des vinyles et je continuerai encore d'en acheter pendant les vingt prochaines années, mais un son reste un son et parfois tu n'as pas les moyens de payer 500 dollars pour 3 mesures de musique. Ma méthode ne changera jamais. A la limite, il y a juste une chose qui a changé: j'ai appris à jouer de quelques instruments. Ce n'est pas comme si j'étais Jay Dee ou Pete Rock mais j'ai appris à maîtriser quelques trucs… Je joue des lignes de basses et certains de mes claviers et je comprends le solfège ou les arrangements de cordes.

En conséquence, tous mes nouveaux trucs, même s'ils resteront minimalistes et fous, auront du sens si on les écoute en détail. Si tu regardes le truc sans a priori et que tu t'enlèves de la tête l'idée que cette musique est totalement hors de contrôle, tu verras que c'est une vraie chanson, avec des ponts, des couplets, etc. A la limite, on peut dire que ma musique est devenue plus musicale tout en devenant plus minimaliste. Parce que j'apprends au fur et à mesure ce qu'elle doit ou non contenir. Je pense qu'une grande partie de ma musique d'avant était de la "dance". En premier lieu à cause de mon matériel : j'avais vraiment du mal à séparer les éléments sur 4 pistes. Et puis aussi parce que je ne savais pas comment procéder, je m'en foutais du reverb. Maintenant je sais comment l'utiliser. Maintenant, si j'enregistre en mono, ce sera parce que j'aurai envie d'obtenir le même son que les groupes de rock. Sinon, j'enregistrerai en stéréo. Désormais, si ma musique sonne crade ou lo-fi, ce sera parce que je l'aurai voulu. Avant, c'est juste que je ne savais pas comment faire autrement. Voilà pour les différences qu'il peut y avoir entre le passé et le présent…





HHC: Pourrais-tu nous dire quelques mots sur l'époque de la Westcoast Workforce et du Library Crew?



S: Le Library Crew est venu en premier. Ca a commencé quand nous étions au lycée. Il y avait Lexicon (qui est composé de Oak et Nick Fury), les Number Crunchers (moi et DJ Memorex), Premonition, Dramatic, Recon et ce gars C-Trouble (je crois qu'il fait du porno maintenant). Il y avait aussi tout un tas d'amis qui faisaient des allers-retours dans le groupe… Tout a commencé à l'époque où nous étions tous à Oxnard. Chaque vendredi, on allait à Santa Barbara pour freestyler sur le show de Mums The Word. Il avait une émission radio sur UCSB, la station du collège de Santa Barbara, et tout le monde s'y donnait rendez-vous : le Project Blowed, KanKick, CDP, etc… On descendait tous là-bas et forcément on s'y est tous rencontrés. On était très jeunes. On s'est bien entendus donc on a fait quelques titres et on décidé de former un crew. J'avais le nom dans ma tête depuis quelques temps, vu que je bossais dans la bibliothèque de mon lycée, donc j'ai dit : "Allez, on sera le Library Crew". On a enregistré une cassette "Bibliotechnicians Vol. 1" en 1997.

Il y avait un autre groupe dans le Library Crew, Rector Set, qui était composé de Scribble et moi. Mais on n'a jamais rien enregistré parce que Scribble était un couillon à l'époque. A vrai dire, quand on a enregistré "Bibliotechnicians", on l'a laissé dans son coin, on ne lui a même pas dit qu'on allait enregistrer un projet… ce qui était très con, ceci dit. Après l'enregistrement, je l'ai appelé en rentrant chez moi pour lui faire écouter quelques chansons au téléphone et il m'a raccroché à la gueule, bien entendu. Le Library a duré pendant environ 3 ans. On a fait quelques concerts et on comptait travailler sur d'autres chansons, mais tout le monde a commencé à déménager aux quatre coins de la Californie. Lexicon et moi avons déménagé à Los Angeles ; Premonition et Dramatic venaient nous rendre visite de temps en temps, mais on n'entendait plus parler des autres. Memorex est venu sur L.A. aussi et on a un peu traîné ensemble, mais il n'était plus trop dans le deejaying, il était parti sur autre chose.

Et puis, j'étais plus proche du Project Blowed à l'époque et c'est comme ça que j'ai découvert les mecs de la Workforce. Oak, Xololanxinxo, 2Mex et moi avons même fait un titre 'Happy Weed' en 97. C'était une chanson un peu quelconque mais on s'est dit qu'on devrait travailler ensemble. En fait, au départ, j'avais demandé à AntiMC et Radioinactive de rejoindre le Library Crew, mais ils ont pensé qu'il vaudrait mieux former un nouveau groupe. Je me suis dit que c'était une meilleure idée et le Workforce a vu le jour. Par la suite, Omid, Joe Dub, LifeRexall, Megabusive et une quinzaine d'autres personnes dont je n'arrive même plus à me rappeler ont été intégré (ndlr: rires). On a fait quelques titres ensemble mais c'était vraiment dur de réunir tout le monde parce qu'il y avait pas mal de problèmes d'égo. Beaucoup de gars voulaient juste picoler et faire les cons, alors que d'autres se pensaient trop doués pour enregistrer dans la même pièce que d'autres personnes du groupe… Je ne donnerai pas de noms ; ce n'est pas nécessaire, vu que je suis encore pote avec tous ces gars aujourd'hui. De toute façon, on était des petits jeunôts! La Workforce s'est séparée lorsque deux des membres m'ont demandé si je pensais qu'il ne serait pas bénéfique d'en virer deux autres afin que la Workforce soit un peu plus pro. Or, coïncidence, c'était des membres que j'avais invité à nous rejoindre… J'étais tellement énervé que le soir même j'ai été sur La2thebay et j'ai écrit ce message super long où je disais que j'en avais plein de cul de la Workforce et que c'en était fini pour moi. J'ai quitté le groupe et tout le monde m'en a voulu. Je n'ai parlé à personne pendant 2 ans… C'est à cette époque que je me suis rapproché des Shapeshifters et que j'ai bossé un peu avec eux. Mais quand leur groupe a atteint une masse critique, j'ai un peu laissé tomber et je suis parti de mon côté.



HHC: Maintenant, jouons à un petit jeu. Je vais te donner les noms de certains de tes projets et tu me diras ce qui te vient à l'esprit de but en blanc. Allez: "Delete The Elite"?



S: Juste après la mort de Rob One (repose en paix), je suis parti à San Francisco pour passer du temps avec Joe Dub et une fille. On marchait dans la rue et il y avait une télé sur laquelle était collé un sticker "Delete the Elite". Je me suis dit que ce serait vraiment un bon titre pour mon album. Plus tard quand j'ai commencé à me pencher sur le sens de cette phrase, ça collait parfaitement, parce qu'on était entouré de plein de gens qui étaient des sortes de leaders culturels, que ce soit les Blowedians ou des gens à L.A. ou New York. Il y avait tout un engouement autour de cet underground, de ce mouvement, cette révolution rap. C'était dans l'air… Supprimons l'élite, débarrassons-nous d'eux, proposons quelque chose d'autre. Voilà ce que j'avais à l'esprit.



HHC: "Appropriately Complex" avec Anonymous (aka AntiMC)?



S: Le titre vient d'une pub pour Hennessy où un gars va frapper à la porte d'une fille avec deux verres et une bouteille de cognac à la main. A l'époque, quand j'écrivais, je me suis rendu compte que tous mes textes étaient vraiment complexes et fous. Alors le titre était parfait pour l'album. J'en ai produit la moitié, et AntiMC a produit le reste.





HHC: "Lost Love Stays Lost"?



S: C'est une très longue histoire. Elle est plus longue que toutes les réponses que j'ai déjà donné dans cette interview, qui est elle aussi très longue! (ndlr: rires) Mais bon, je vais quand même vous donner une bonne version de cette histoire. Il y avait cette jeune femme… Oh, et puis merde, elle ne lira pas ça de toute façon! Quoique, quelque chose me dit que le destin fera qu'elle le lira sûrement.

Je ne sais pas si tu vois qui est Shannyn Sossamon, une actrice américaine qui a joué dans quelques fims, le plus connu étant probablement "Les Lois de l'Attraction", que tout le monde devrait regarder d'ailleurs, c'est sorti en DVD… Enfin, elle a bossé avec moi à Aron's Records pendant une période. Dès le moment où je l'ai vu, j'étais sur le cul, et pourtant j'avais l'impression de l'avoir déjà vue. Elle m'a dit que je connaissais son ancien petit ami et qu'elle m'avait déjà vu passer des disques dans une soirée, ou quelque chose dans le genre… C'était la fille la plus cool que j'ai jamais rencontrée. Elle était belle (et elle l'est toujours) et vraiment ouf. Elle allait traîner partout, même dans les coins les plus sombres. Une fois, je me rappelle qu'elle a eu des problèmes : elle était bourrée et elle a lancé une bouteille à une voiture qui passait non loin, sauf que la bouteille a cassé toute la lunette arrière… Elle a dit au mec: "Pas de problème, je paierai pour ça!". Elle est dingue de vinyles, elle écoute tous les genres de musique et elle est DJ à ses heures perdues… Qui n'aimerait pas cette fille?! Par dessus tout, nos dates de naissances ne sont séparées que d'un jour, à l'année près : le 2 et 3 octobre (c'est pour ça que je parle de cette date dans 'tell her to come overrrrr' d'ailleurs).

A l'époque, je vivais dans cette infâme salle de répétition de 8 m2 et je me faisais enlever des dents tous les trois jours… C'était vraiment une situation pourrie mais je faisais tout ça pour les disques. Je voulais uniquement faire de la musique. Cette pièce était suffisamment petite pour être considérée comme un placard et il y avait des énormes cafards qui se promenaient et qui montaient sur ma tête quand je dormais. C'était horrible. Et Shannyn était la seule fille qui venait passer du temps avec moi là-bas. Elle amenait une grande bouteille de vin chère et j'avais de l'herbe qui défonçait et on restait chez moi à fumer pendant que je lui passais ces chansons complètement dingues. Un peu après, elle était supposée rester un moment dans mon studio parce que je déménageais de cet endroit. J'ai commencé à bosser à Amoeba… et ce qui s'est passé, c'est que peu après la sortie des "Lois de l'attraction" en 2002, elle s'est retrouvé enceinte et elle a gardé l'enfant. Comme j'étais un fou vivant dans une piaule de 8 m2, je n'ai pas compris son choix. Alors, même si elle était toujours ok pour traîner avec moi, je savais qu'elle aurait autre chose à faire maintenant qu'elle allait avoir un enfant toute seule. C'était un accident, cette grossesse, mais elle a voulu garder le bébé. Ca m'a énervé, elle m'en a voulu et on ne s'est pas parlé pendant un an. Juste après ce coup de fil, j'ai complètement pété les plombs! J'ai essayé de la rappeler et de m'excuser parce que j'avais vraiment été un gros con au téléphone… mais elle ne répondait pas. Ca m'a rendu dingue.

"Lost Love Stays Lost" ne parle que de ça: il y a des amours perdus qui le restent, à la prochaine… Mais je l'ai rencontrée un peu plus tard à un concert de dingue… et elle avait fini par appeler son fils Audio Science. On est à nouveau amis désormais, on s'entend bien. C'est cool, on est tous les deux plus vieux. Mais "Lost Love Stays Lost" parle de cette relation. Et si tu regardes sur le EP vinyle de "I'm Always Recovering From Tomorrow" dans la lumière, tu verras qu'il y a une dédicace qui lui est destinée, genre "For SS from ST, courtesy of GSL", parce que sans Sonny Kay de GSL, sans Thavius et sans elle, je n'aurais probablement jamais fait ce disque et je ne serais peut-être même pas encore en vie aujourd'hui. Donc depuis j'ai appris que l'amour perdu peut nous être rendu un jour, mesdames et messieurs. Et s'il reste perdu, il n'y a qu'à trouver un peu plus d'amour ailleurs, surtout si vous vivez en France, parce qu'il y a des filles partout! (ndlr: rires)



HHC: En dehors de ton dernier album, quel est le projet que tu préfères?



S: Pour ce qui est des trucs solos, ça doit être "Lost Love Stays Lost", parce qu'il y a beaucoup d'émotion qui est passée dans ce disque, qui était une sorte de journal intime. Et sinon, bien entendu, LabWaste. J'ai rêvé de collaborer avec Thav pendant 9 longues années et on a enfin pu faire ce disque.



Propos recueillis et traduits par Cobalt
Texte d'introduction de Billyjack
Photos de Kreme
Décembre 2006

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