Subtitle (1ère Partie)

Voilà déjà pas mal de temps qu'on attendait de se poser quelque part avec l'ami Subtitle pour faire un peu le point sur sa carrière, l'une des plus intéressantes et audacieuses de ces dernières années. De Weekend Science Experiment à LabWaste en passant par "Lost Love Stays Lost" ou "Delete The Elite", autant dire que le membre fondateur du Library Crew n'a eu de cesse de nous faire vibrer au fil d'une discographie tentaculaire et constamment surprenante. Alors que la sortie de "Young Dangerous Heart" lui a permis de conquérir un nouveau public et de récolter une exposition médiatique inespérée, il était plus que temps pour nous de rencontrer le phénomène en chair et en os. Lors de son passage en France au mois d'avril, la rencontre avec le grand Subtee a donc donné lieu à deux entretiens fleuves, fruit du débit de mots ininterrompu du géant californien... Alors que la sortie de "Terrain To Roam" approche à grand pas, il était temps de commencer à vous en livrer le résultat. English version



Lieu : Fondation Cartier, Paris, France
Date : Jeudi 20 Avril 2006

Hip-Hop Core: Ces dernières années, un sujet est devenu vraiment récurrent dans tes textes: tu parles souvent de ta situation au moment même de l'enregistrement de tes chansons, du fait que tu es dans ta chambre en train d'enregistrer un titre. L'exemple le plus évident est sûrement 'andhideinmyroomjust…' sur "The Lone Path of the Vanguard". D'où te vient cette obsession?



Subtitle: C'est moins présent dans les textes que j'écris maintenant, vu que j'enregistre moins souvent chez moi… Mais tout ça, c'était parce que ma maison était en quelque sorte mon petit nid à moi. J'ai mis très longtemps avant de pouvoir me payer tout l'équipement que je voulais pour pouvoir enregistrer et produire mes propres trucs… J'ai vraiment dû me battre pour y arriver, parce que ma famille n'avait pas vraiment l'envie, ni les moyens, de me payer mon matos. Je ne pouvais pas leur demander de me passer 1000$ pour me payer mon équipement. Ce n'était même pas envisageable. Alors j'ai dû réunir une à une chacune des pièces de mon home studio… Du coup, quand j'ai enfin eu tout à disposition dans ma chambre (mon installation Pro Tools, des samplers sur tous les murs, etc.), je n'avais plus aucune raison de quitter cette pièce. Ma chambre est donc devenu mon refuge. Quand j'en avais marre de faire du son, je pouvais me coucher direct, et recommencer à enregistrer dès mon réveil. Je pouvais me lever à n'importe quelle heure de la journée ou de la nuit et enregistrer un disque. Comme c'était mon quotidien, ça s'est retrouvé dans mes textes.

Si tu écoutes Madlib, il raconte le même genre de choses. Quand il n'est pas en train de faire de la musique avec ses potes ou en train de jouer du jazz, il passe tout son temps dans son studio. C'était la même chose pour Dilla (qu'il repose en paix). Ces gars vivaient dans leur studio, pour le pire ou le meilleur. Je ne suis pas aussi doué qu'eux mais je suis de la même espèce.



HHC: Pour autant, ces derniers temps, on a l'impression que tu essaies d'élargir progressivement ton horizon en étant moins nombriliste et agoraphobe. On dirait que tu t'ouvres un peu à tout ce qui se passe dans le monde, comme l'a montré l'album de LabWaste…



S: Ouais. A l'époque où Thavius et moi avons enregistré l'album de LabWaste, nous avions déjà voyagé. Nous avions pu quitter le pays et nos chambres, avant d'y revenir et de partir à nouveau… Nous avions donc une meilleure vision de ce que nous voulions faire, nous avions évolué et nous avions vu qu'il y avait un monde plus grand, bien au-delà des limites de Los Angeles. Je suis un peu comme ces multi-instrumentistes qui jouent tout eux-mêmes. Comme Dntel. Ce mec est un millionnaire mais il a tout son matos dans sa piaule et il continue d'enregistrer ses beats chez lui. C'est la même chose pour moi. Bien entendu, je ne suis pas millionnaire, mais ce que je veux dire, c'est que tout ce que je fais est très personnel. 'Young Dangerous Heart' parlait de moi et de mon cœur ; 'Leave Home' parle de la première fois où j'ai pu quitter ma maison ; 'Subtalk' parle des 3 réseaux de métro que j'avais eu l'occasion d'utiliser à l'époque (New York, Los Angeles et San Francisco)… Et maintenant, j'ai pris des métros partout dans le monde.

Mais il faut aussi voir qu'il y a beaucoup de sujets présents sur mon dernier solo "Young Dangerous Heart "que je n'ai pas abordé sur le disque de LabWaste, pour la simple et bonne raison que ces sujets étaient les miens, et pas ceux de LabWaste. Il y a juste cette chanson 'tell her to come oveerrrr' qui était destinée à "YDH" à l'origine, mais que Thavius a absolument voulu qu'on mette sur l'album de LabWaste parce qu'elle sonnait comme ce que nous faisions. Mais cette chanson parle d'une fille à mon boulot… Ce n'est pas LabWaste, on ne rappe pas sur des filles! La date du 3 octobre dont je parle sur ce titre est la date de l'anniversaire de cette fille dont je suis encore amoureux au jour d'aujourd'hui… C'est d'ailleurs un sujet qui est présent sur pas mal des mes derniers solos. Par ailleurs, il faut aussi intégrer qu'avant que les titres atteignent vos oreilles, deux ans se sont probablement écoulés depuis leur enregistrement.

A mes yeux, il est très important de maintenir une cohérence et une cohésion dans tout ce que je fais, parce que je veux que les gens réalisent que tout avance en suivant la même ligne droite. Les gens pensent que je suis quelqu'un qui part dans tous les sens et qui dit des choses un peu folles sans réfléchir… Je fais peut-être ça dans ma vie personnelle, mais ma musique évolue de manière logique, avec des thèmes récurrents de 1997 à 2006. Je sais que vous avez suivi ma carrière depuis cette époque, parce que vous venez de me montrer deux originaux de mes tous premiers disques, donc vous avez pu suivre mon évolution… L'époque où j'essayais de rapper comme quelqu'un d'autre ; celle où je faisais tout mon possible pour faire des trucs de fous ; celle où j'ai pris de la drogue et où j'ai fait des trucs encore plus fous ; puis celle où j'ai arrêté la drogue… Vous pouvez comprendre tout ça, mais plein de gens ont commencé à s'intéresser à ma musique après "Young Dangerous Heart" ou après l'album de LabWaste ou même encore plus récemment, suite à mes tournées un peu partout dans le monde. Ces gens-là ne peuvent pas comprendre mes opinions ou les choses qui me motivent à faire ce que je fais, mais ça ne me gêne pas plus que ça… J'essaie juste de faire en sorte que ma musique garde une certaine cohérence au fil des ans, même si j'évolue en tant que personne.

En tout cas, le prochain disque que je suis en train de faire pour Alpha Pup sera mon dernier album en tant que Subtitle. Je vais faire des trucs en tant que Giovanni Marks sur mon label B.E.A.R. (Business Espionnage Audio Recordings) mais ça sera vraiment ce dont j'aurai envie, ce ne sera pas forcément du rap ou des projets instrumentaux. Je ferai ce que je voudrai. Pour l'album chez Alpha Pup, je travaille avec beaucoup de producteurs. Madlib sera là pour deux titres, Paris Zax pour quatre, Daddy Kev pour un autre… Mais le disque pour B.E.A.R., je vais le produire moi-même et j'aurai juste des gars qui viendront pour jouer des instruments, des musiciens de session. Je veux aller plus en profondeur dans la musique… Je veux représenter la musique autant que je représente le rap.

Le rap est considéré comme un jeu, un truc facile, et je suis fatigué de répéter que ce n'est pas du tout le cas. Je veux que les gens sachent que je sais jouer de plusieurs instruments. Je n'ai pas envie d'être comme Dilla, qui a dû mourir pour que les gens comprennent enfin son génie, alors ça faisait bien 15 ans qu'il faisait des beats! Tu sais, c'est mon putain de protecteur et j'ai sa photo dans mon putain de studio mais je n'ai pas envie de finir comme lui. Il avait de l'argent, une notoriété et il a pu faire ce dont il avait envie, mais les gens n'ont jamais apprécié son talent à sa juste valeur avant sa mort. Je n'ai pas envie d'être une légende, j'ai juste envie de faire mes disques.





HHC: En parlant de ton album en tant que Giovanni Marks, tu parlais déjà de projets similaires il y a 3 ans, à l'époque de Marks03 Recordings, mais ils n'ont jamais vu le jour… Que s'est-il passé entre temps?



S: Marks03 est devenu B.E.A.R. et je me suis retrouvé à faire "Young Dangerous Heart" et à faire tout un tas de voyages… Si bien que, comme j'ai tellement de matériel chez moi, quand je suis rentré de ma dernière tournée en Europe, j'avais une idée complètement différente de ce que j'avais envie de faire. Je suis rentré à la maison, j'ai commencé à travailler sur de nouveaux sons et je me suis retrouvé dans un environnement très stimulant, qui m'a poussé à enregistrer encore plus de musique. Par exemple, j'ai rencontré cette fille dont je t'ai parlé au début et j'ai enregistré 'Black Horse', qui parle d'elle, dans la foulée. Après, vers Noël, j'étais à la marina avec ma copine à regarder les bateaux passer et j'ai eu envie de faire 'Dark Boats'… Ensuite, je me suis retrouvé à traîner avec Wajeed ou Dalëk et ça m'a donné envie de me lancer dans des projets plus instrumentaux. Donc je me suis retrouvé avec toutes ces influences différentes et je n'avais pas envie de faire le même "album dans ma chambre" que par le passé, parce que je n'étais pas dans ma chambre quand j'ai fait toutes ces choses. J'ai voyagé partout dans le monde maintenant…



HHC: Est-ce que tu penses que c'est aussi à cause de tous ces voyages que tu fais preuve de plus d'ouverture en termes de production, en invitant de plus en plus de producteurs extérieurs à venir dans ton univers?



S: Oui, parce que les voyages te font grandir. Tu réalises qu'il n'est pas uniquement question de toi et de tes petites histoires, et que les gens n'ont pas forcément besoin d'entendre parler de toi tout le temps. Si tu écoutes un album de Too Short, qu'il date de ces derniers mois ou d'il y a 20 ans, il ne parle que de son statut de Pimp. Uniquement. Il n'y a pas d'écart par rapport à ce postulat de départ. Je n'ai pas envie d'être comme ça. Los Angeles est une métropole où plein de gens vont, viennent et repartent… Ce n'est pas comme si je vivais à Saskatoon au Canada. Je ne peux raconter que je n'ai rien à faire! En plus, on commence à voir LabWaste sur la couverture de certains magazines et je ne peux pas prétendre que je fais encore des enregistrements 4-pistes. Je ne le fais plus, et je ne compte plus le faire. Associé à cette responsabilité, il y a l'idée que tu te dois de respecter d'autres musiciens.

Tu sais, c'est une chose de faire des titres comme Dalëk, où ils analysent plein d'éléments de leur culture et du monde qui les entoure. C'en est une autre de parler uniquement de toi, genre "Je suis chez moi, je fume de l'herbe, j'aime bien cette fille, je suis chez moi, je fume de l'herbe, je regarde ma montre, il est 8 heures, je fume encore un peu d'herbe, j'ai faim, je suis underground, je suis chez moi". C'est la raison pour laquelle Anticon s'est mis à faire des albums instrumentaux. Parce que les mecs n'étaient plus chez eux, qu'ils n'avaient plus rien d'intéressant à raconter, et que tout le monde n'est pas comme Dose qui peut transformer une histoire de marionnettes en une fresque épique. En ce qui me concerne, mon intelligence a ses limites. J'étudie plein de trucs et je pourrais parler de tout un tas de choses maintenant, mais ces choses ne doivent pas nécessairement parler de moi.





HHC: On parlait des sujets récurrents de ta discographie tout à l'heure et lors du concert de ce soir, j'ai noté que beaucoup de chansons que tu as joué parlaient du tabac. Pourquoi cette obsession semble te tenailler depuis Weekend Science Experiment?



S: C'est juste que c'est une drogue qui crée une forte dépendance mais qui est vendu aux gens comme si elle n'était pas addictive. Jusqu'à très récemment, il y avait des pubs pour le tabac, les acteurs fumaient dans les films, etc. Tout contribuait à perpétuer cette habitude de fumer une cigarette entre amis. C'est très suggestif de voir ça dans un film, et c'est pour cette raison que beaucoup de gens fument. Mais ça ne te fait aucun bien. J'ai fumé pendant un bon moment. Au début, c'était juste pour impressionner les filles, mais je suis devenu accro. Je me suis arrêté pour plusieurs raisons, notamment parce que je perdais le contrôle de ma respiration. Comme je parle beaucoup et que le flow est un élément important de mon travail, je ne peux pas me permettre de ne pas avoir de souffle. En plus, j'avais des problèmes dentaires et j'ai dû me faire retirer quelques dents parce que nous n'avions pas d'argent et que le système de santé américain est vraiment mauvais. Je ne voulais pas accélérer l'apparition d'autres infections en fumant de la nicotine.

Parce que de nos jours, d'une certaine façon, le tabac est conçu pour te tuer. Il y a de la poudre à canon, de l'arsenic et tellement de composants chimiques et de poisons que tu inhales à petite dose lorsque tu fumes une cigarette. Aux Etats-Unis, les cigarettes sont tellement chères (genre 4, 5 ou 6 $, même 8 $ si tu vis à New-York) que c'est fou que les gens fassent la queue pour payer tant d'argent pour se tuer rapidement. J'étais tellement perturbé par l'idée que j'étais en train de me tuer lentement et consciemment que c'est devenu un des grands sujets de débat dans ma vie et dans mes chansons… Une chanson comme 'Smoke is Smoke' parle de la nicotine et du fait de fumer de l'herbe par exemple.

Depuis, j'ai arrêté de fumer. Sauf quand je viens en Europe, vu que les Européens ont l'air d'aimer fumer en intérieur et t'envoyer leur fumée quand tu es sur scène en train de rapper. Ce serait insultant dans d'autres pays, mais ici, c'est ce que les gens font. C'est pour ça que je fume ici, en quelque sorte. Mais si ça ne tenait qu'à moi, je préférais que ce ne soit pas le cas. Les poumons humains ne sont pas faits pour inhaler de la fumée. Si tu veux de la marijuana, tu peux la manger dans un cookie! Si tu veux de la cocaïne ou des trucs plus fous, tu peux la sniffer ou, pire, te l'injecter dans les veines. Tu n'as pas besoin de fumer quoi que ce soit. Cette fascination américaine pour l'acte de fumer est quasiment une idéologie… Tu n'as pas besoin de rouler un blunt. Or c'est une image qui est constamment véhiculée dans le hip-hop. Ca m'a fait réagir et ça m'a toujours donné envie de parler de ça, parce que c'est quelque chose qui ne devrait pas être perpétué.



HHC: Comme disait un auteur français, fumer et boire sont en quelque sorte des "petits suicides"?



S: Ouais, ce sont deux choses très néfastes. Quand elles sont faites en grande quantité, tu tombes malade. Même si tout le monde essaie de se changer un peu les idées… Tu sais, boire peut aider à échapper à beaucoup de choses mais c'est seulement momentané, et quand tu reviens les problèmes sont encore pires que quand tu les as laissées. Fumer est juste un moyen de passer le temps. En gros, les deux constituent respectivement une forme de suicide glamour et une autre qui l'est beaucoup moins.





HHC: Pour en revenir à ton travail, quelles sont les réactions du public qui te touchent le plus?



S: C'est tellement étrange d'en parler, parce que personnellement, je suis déjà si content qu'il y ait quelques gens qui apprécient ce que je fais. Ce qui me touche le plus, c'est lorsque des gens me disent: "Je déteste le rap, mais j'aime ce que vous faites". Parce qu'en quelque sorte, tu as bouleversé leur monde! Le hip-hop, pour le pire ou le meilleur, et même si je n'arrive pas à trouver les bons mots, est un "faux style de vie". On veut te faire croire que tu dois acheter toutes ces choses, fumer tel truc, porter tel vêtement, dire tel truc, mais ce n'est pas vrai! Ce n'est pas une question de style de vie, mais de musique, de travail artistique. Tu peux faire tout ce dont tu as envie, juste en comprenant les règles et en les mettant en pratique. Comme c'est le cas pour la musique classique ou le rock. A ce moment-là tu fais du hip-hop. Les gens ne comprennent pas ça parce que tout le système fonctionne en circuit fermé et que tout le monde a des œillères. C'est pour ça que quand quelqu'un me dit qu'il déteste le rap mais qu'il m'aime, c'est très gratifiant de savoir que tu as touché cette personne… et peut-être que maintenant ils vont enlever leurs œillères et écouter d'autres choses.

Les commentaires qui me déplaisent sont ceux où les gens présupposent ce que je fais et ont des a priori. Je ne parle pas des gens qui me disent, comme en France, que je rappe trop vite. Je ne peux pas en vouloir à ces gens, parce que c'est vrai. Il y a même une voix digitalisée au début du concert qui t'avertit que c'est ce que je vais faire donc tu y es préparé. Les gens qui m'énervent sont ceux qui me demandent de quoi je parle dans mes chansons… J'ai envie de leur dire : "Tu ne peux pas écouter un peu! Tu ne comprends pas l'anglais?!" Si tu ne comprends pas l'anglais, pas de problème, je ne t'en veux pas. Mais si tu comprends la langue anglaise et que tu comprends mes thèmes mais que tu ne tends pas suffisamment l'oreille pour écouter ce que je dis, je n'ai rien à te dire. Parce que tout est là, dans les chansons, je ne devrais pas avoir à expliquer quoi que ce soit.



HHC: Est-ce que tu écoutes encore du rap?



S: Oui, j'en écoute tout le temps. Ce n'est pas le seul truc que j'écoute, comme tu le sais, mais je crois que je n'ai jamais écouté autant de rap qu'en ce moment. Surtout du Jay Dee. C'est marrant parce que, pendant des années, j'ai écouté les sons de Jay Dee et après qu'on se soit rencontrés, on est devenus plus ou moins potes et je lui ai fait découvrir des disques de rock et quelques autres trucs. C'était super important pour moi d'avoir une relation comme ça avec ce type. Quand il est mort, j'étais très triste, comme tout le monde, et je me suis mis à réécouter tout ce qu'il a fait… Depuis le mois de novembre, j'écoute "Donuts" tout le temps. Ce mec était un putain de génie. Tous ceux qui ont travaillé avec lui sont des génies. Tu sais, ils ne rappent peut-être pas sur les mêmes sujets que moi, parce que j'ai été à l'école pendant un petit bout de temps et que j'ai étudié la science, mais chacun son truc…

Traîner avec Dalëk et Oktopuss ces derniers temps m'a aussi beaucoup influencé. En un sens, ce sont les premiers hip-hoppers avec qui je m'entends vraiment bien et avec qui je suis sur la même longueur d'onde. On peut parler de rap toute la journée, sauf si on aborde le sujet de l'identité du "gay rapper" (rires). Ca m'a montré qu'on peut très bien avoir des backgrounds et des styles de rap différents tout en écoutant le travail des autres. Tu vois, je continue d'écouter Low Profile et WC… Et quand ça sortira dans les bacs, j'écouterai l'album de Sa-Ra en boucle, parce que ces mecs défoncent tout, aussi bien en matière de R&B que de beats hip-hop.

Je n'écoute pas des tonnes de trucs underground par contre. Busdriver, Murs et les autres, ce sont tous mes potes mais, vu qu'ils parlent de la même chose que moi, je n'ai pas vraiment besoin d'écouter ça. Ils parlent encore d'eux-mêmes, et ça ne me gêne pas du tout, mais je peux m'écouter parler de moi pendant toute la journée, je n'ai pas vraiment besoin d'écouter quelqu'un d'autre parler de lui. J'essaie de découvrir de nouvelles façons d'écrire. Je n'ai pas envie de découvrir une nouvelle façon d'écrire sur mon pote. Il va peut-être falloir que j'écoute Easy-E un de ces quatre! (rires)





HHC: Comment as-tu rencontré Dilla?



S: C'était dingue! J'étais à Amoeba, le magasin de disques où je travaillais, en train de parler avec une fille et tout à coup, j'ai vu Dilla me passer à côté. Il était vraiment petit, même si vu ma taille, tout le monde est petit à mes yeux (rires). Enfin, je l'ai reconnu et à ce moment-là, c'est comme si la fille avait disparu, j'étais là à me dire "Putain! Est-ce que c'est Dilla?" et j'ai couru dans sa direction, comme un vrai fan. Il a été cool, mais après un petit moment, j'ai compris que je commençais à le saouler et je l'ai laissé tranquille. Mais un peu après, je l'ai vu en train de fouiller dans les bacs de la section rock. Il y a une chanson sur "Welcome To Detroit" avec un break énorme et j'avais trouvé ce break et le disque d'où il provenait… et c'est précisément ce disque qu'il a touché en premier, alors quand il a posé le diamant sur le vinyle, je suis revenu à la charge en lui disant "Je ne veux pas te saouler de mots, mais c'est quoi le truc avec ce break 'Electric Lucifer'?" Il est resté bouche bée et on est devenus amis.

Chaque fois qu'il venait… Tu sais, en fait, je ne le voyais même pas rentrer dans le magasin, je voyais juste une petite main se faufiler au-dessus du comptoir et je savais qu'il était là! (rires) Je lui parlais d'un peu tout, je le voyais aussi à d'autres magasins de disques en ville et il était toujours super sympa avec moi. Et, qui l'eut cru, il y a quelques années, Mark Luv de L.A. faisait une tape où il m'a invité à rapper et je me suis retrouvé à poser sur un beat inédit de Dilla. J'ai mis ce titre sur mon "Greatest Hi$$" et pour rigoler, j'ai écrit "Beat by J Dilla" sur la pochette. Mais peu de temps après, un jour où je cherchais la discographie de Jay Dee sur le web, je suis tombé sur le site de Stones Throw et j'ai vu qu'ils avaient mis cette chanson dans ses productions de l'année 2003! (rires) Alors tout le monde a commencé à me demander comment j'avais réussi à bosser avec Dilla et pour rire, j'essayais d'esquiver et je refusais de leur dire (rires).

Mais je suis super content d'avoir eu l'opportunité de rencontrer ce mec, de parler avec lui et de lui faire découvrir quelques disques dont il n'avait jamais entendu parler. A vrai dire, c'est vraiment le vinyle qui nous a réuni, parce que je suis un peu le plus grand expert de Los Angeles dans le domaine des disques. Je ne suis pas DJ donc je ne dis pas ça pour me vanter, mais j'ai aidé Kanye West à trouver des breaks de batterie, j'ai aidé Dilla à acheter des disques de rock… Quoique, en fait, sur ce point, je me fous de leur identité, j'achète de la musique pour tout un tas de gens. Tout ce qui m'intéresse, c'est la musique. J'ai déjà parlé de musique avec plein de producteurs de la trempe de Muggs, ou même Jermaine Dupri, et dans ces moments, il ne m'est jamais venu à l'idée de leur dire que j'étais Subtitle, un artiste underground qui essayait de se faire sa place… Ils n'ont pas besoin de savoir qui je suis! Ils le sauront quand ils tomberont sur la section d'Amoeba où il y a à peu près 45 de mes CD's… Enfin, tout ça pour dire que j'ai rencontré Dilla par le biais du vinyle et qu'on a eu une petite amitié sympa jusqu'à sa mort.

D'ailleurs, c'est assez ironique de voir que le dernier jour où je l'ai vu était mon dernier jour à Amoeba. J'ai dû quitter mon job là-bas à cause de mes tournées et parce qu'il était temps pour moi de bouger un peu (je ne voulais pas devenir "le mec d'Amoeba" aux yeux de tout le monde)… Jay était là avec sa mère et avec Peanut Butter Wolf. Sa mère le promenait à l'intérieur du magasin. A l'époque, je ne savais pas qu'il était si malade…



HHC: Tu n'as donc plus aucun travail régulier en dehors de ta carrière musicale ?



S: Non. Mais je crois que quand je vais rentrer à la maison, je vais essayer de bosser un peu, parce que je m'ennuie vraiment. J'aime bien travailler. Ca fait presque un an que je rappe à plein temps, même si j'ai travaillé un peu pour Alpha Pup, en leur filant des coups de main quand je le pouvais, et que je me suis occupé de mettre B.E.A.R. sur pied. Je n'ai aucun problème avec le travail. A tous les rappers qui crachent sur le travail, j'ai envie de dire: "Comment vous croyez que vous allez vous faire de l'argent, bande de nases?" (rires)



HHC: On parlait de tes goûts musicaux tout à l'heure et je sais que tu aimes plein de genres musicaux en dehors du rap. Par exemple, j'ai lu que tu as beaucoup aimé le "Speak for Yourself" de Imogen Heap qui est aussi un de mes albums favoris de l'an passé. Qu'est-ce qui te plait dans sa musique?



S: C'est ma copine qui m'a fait découvrir ses disques et ça m'a vraiment mis sur le cul. Cet album est superbe, elle a tout défoncé. Son style de production est fou. Ca se rapproche un peu de ce que je fais vu qu'elle fait tout toute seule… Je ne suis pas aussi bon chanteur mais sinon, on a un peu la même approche, en incorporant des éléments électro pour emmener notre musique dans d'autres directions. Elle fait pour le rock ce que j'essaie de faire pour le hip-hop. Je suis vraiment fan de son travail.

Mais il y a plein d'autres artistes qui montent et que j'apprécie. Par exemple, il y a The Russian Futurists, un canadien qui produit tout lui-même et qui fait une musique incroyable. Dans un autre genre, les nouveaux trucs de Dalëk et Oktopuss sont incroyables. La musique de Sa-Ra est super dope. Il y a quelques années de ça, à l'époque où je faisais du scouting artistique pour Universal, je les avais amenés chez Universal mais ils m'ont dit qu'ils ne sauraient pas quoi faire avec eux. Ca m'a tellement dégoûté que j'ai arrêté de faire du scouting… Et puis, niveau musique, je ne pourrais jamais arrêter d'écouter Sonic Youth. J'ai vraiment de la chance d'avoir pu rencontrer pas mal de ces groupes que j'aime…



Interview de Cobalt et Billyjack
Photos prises à La Cartonnerie (Reims) par Phara
Septembre 2006

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