Subtitle (2ème Partie)

A l'image de ce que laisse imaginer l'écoute de la plupart de ses projets, Subtitle est un vrai moulin à paroles, une vraie machine à mots rebondissant d'idées en idées à la vitesse de la lumière… Un vrai plaisir à interviewer en somme (sauf pour la phase de retranscription). Alors, après avoir fait un petit tour d'horizon des obsessions textuelles de Subtitle, de ses goûts musicaux, de son admiration pour J Dilla et de son ouverture récente vers de nouveaux horizons, nous ne pouvions décemment faire l'impasse sur les nombreuses collaborations et amitiés qui ont émaillé (et émailleront) sa carrière… Suite (mais pas fin) d'un entretien marathon alors que "Terrain To Roam", le nouvel opus de Subtitle, vient d'atteindre les bacs ce 10 octobre. English version



Lieu : Fondation Cartier, Paris, France
Date : Jeudi 20 Avril 2006

Hip-Hop Core: Parlons un peu plus en détails de LabWaste, si tu le veux bien. Peux-tu nous parler de ton amitié avec Adlib et de ce qui t'attire dans son univers sonore?



Subtitle: Je connais Thavius depuis 1997. A l'époque, je venais juste d'intégrer le Blowed et j'étais dans le Library Crew. J'étais sur une colline de L.A. en train de fumer un blunt en attendant mon crew (désolé, je déteste les blunts, mais bon, c'était en 97 et tout le monde faisait pareil…). Non loin de moi, les mecs de Global Phlowtations étaient en train de faire un basket. Je ne les connaissais pas encore, mais tout à coup, j'ai entendu une chanson de dingue en provenance du bas de la colline. Je n'avais jamais entendu un truc pareil de toute ma vie. Ca m'a mis une grosse claque. Donc j'ai descendu la colline jusqu'à arriver à environ un mètre du poste d'où provenait la musique et j'ai commencé à demander aux gens de qui était ce titre. Jenny, qui est désormais la femme de Thavius et qui bossait au Project Blowed à l'époque, était là et elle m'a dit que c'était un beat d'Adlib de Global Phlowtations. Je lui ai demandé comment je pouvais rentrer en contact avec lui et elle m'a dit qu'il était juste à côté de moi, en train de joueur au basket. C'est comme ça que je l'ai rencontré. Je trippais vraiment sur ce son et comme par hasard, un peu plus tard dans cette même journée, je suis passé à un concert où P.E.A.C.E. a posé sur ce beat et a foutu le feu à la salle. Les gens étaient fous, je n'avais jamais vu ça auparavant.

Malheureusement, ce beat n'est jamais sorti de manière officielle… Thavius avait environ 600 beats en mémoire sur son sampler et il en a perdu presque 400, dont celui-ci, lorsque son disque dur a commencé à déconner. Sans rigoler, Thavius faisait du son TOUTE la journée. Pour te dire, il faisait même des beats dans sa caisse sur son PC portable quand il allait au travail…





HHC: Pour en revenir à toi, j'ai lu que tu considérais ta musique comme une façon d'étudier au quotidien le son et ses possibilités… Je trouve ça assez juste. Mais que penses-tu avoir appris et découvert au fil de cette étude?



S: Pour résumer, j'ai appris que toutes les musiques sont les mêmes mais qu'elles sont toutes différentes. Tu peux écouter Bill Laswell, Adrian Sherwood (et tous ses trucs dub), David Axelrod ou Brian Eno, ce sont tous des producteurs qui travaillent avec douze notes de musique. Idem pour Karlheinz Stockhausen. Idem pour John Cage, qui travaille sur le silence et qui bosse en quelque sorte avec des négatifs de ces douze notes. C'est toujours la même musique à mon sens. Si on regarde le rap, comment peut-on associer Karlheinz Stockhausen et Dabrye? Il n'y a pas besoin de le faire, parce que Dabrye est déjà Stockhausen. Si tu écoutes les productions minimalistes de Dabrye, les gens ne comprennent pas d'où elles viennent, mais c'est parce qu'ils n'ont pas écouté le "Music For Airports" de Brian Eno. Et c'est là toute l'idée: chaque artiste d'aujourd'hui a des homologues ou des équivalents dans la musique des soixante dernières années.

Personne n'en est conscient parce que quasiment tout le monde dans le milieu du rap a une vingtaine d'années. Il y en a bien quelques-uns qui ont entre 30 et 40 piges, mais nous sommes peu nombreux. Tous les autres sont des adolescents et ils ne comptent pas, parce qu'ils n'ont pas encore appris suffisamment de choses. Si tu es un gamin, à moins que ton nom soit J Dilla et que tu achetais déjà ton premier disque à 2 ans, tu ne connais pas la musique tant que tu n'as pas voyagé un peu et que tu n'as pas jeté une oreille à du punk allemand ou du rock progressif turc. C'est ce genre d'expériences qui te permet de réaliser qu'il y a des similarités dans toutes les musiques. Aujourd'hui, je suis en mesure de voir ça. Les gens veulent pouvoir tout étiqueter et tout mettre dans des cases pour se sentir moins stupides, mais ça ne sert à rien. Tout est pareil…

Il y a juste la relève de la garde qui s'opère. Tous les 5 ou 10 ans, une poignée d'artistes arrivent et revitalisent un genre musical qui était devenu ringard parce qu'il avait perdu son énergie et que d'autres artistes avaient revitalisé un autre genre. Le hip-hop est une culture qui a presque 30 ans et les gens ne réalisent pas encore ça… Je veux dire, le graffiti aurait été là de toutes les façons. Quand les mecs graffaient, ils écoutaient de tout, pas forcément du rap. L'envie de porter des fringues cool n'est pas apparue du jour au lendemain non plus. Ca fait cent ans que ça existe… Tu vois ce que je veux dire. Il n'y a rien de nouveau en fait, mais les gens ne le comprennent pas. J'emmerde les innovateurs! J'attends encore de voir le Salvador Dali ou le Léonard De Vinci de la musique…





HHC: De nombreux tracks de LabWaste ont été remixés ces derniers mois et on dirait que c'est une démarche qui te plait vraiment. Par qui aimerais-tu te "faire remixer" maintenant?



S: Chris De Luca de Funkstörung, Sa-Ra, Madlib (mais bon, j'ai déjà deux beats de lui sous le coude donc je ne vais pas trop lui en demander), Nasa (qui était affilié à Def Jux), Dabrye, Dizzee Rascal, Ta'raach a.k.a. Lacks de Détroit, Wajeed, mes anciens coturnes Eliot Lipp et Leo123, E-Swift des Alkaholiks (s'il fait encore des beats), J-Swift qui était avec Pharcyde (même si comme vous, j'ai entendu plein de trucs effrayants sur lui)… Et je veux vraiment vraiment travailler avec Para One. Ca fait un moment que j'attends ça. Techniquement, nous avons déjà enregistré une chanson mais j'aimerai en faire plus. Je voudrais bien bosser avec Tido de TTC, aussi. Mais les mecs avec qui j'ai le plus envie de bosser, si je devais faire un choix, sont Jammer d'Angleterre (du pur grime) et Drop The Line…

En dehors des remixes et productions, je compte aussi travailler avec d'autres personnes. Je vais faire un album avec Dalëk. Solex de Holland (qui a déjà sorti quelques albums électro) m'a proposé de faire un disque et nous travaillons là-dessus lentement mais sûrement. J'ai juste besoin de trouver le temps de me poser chez moi pour écrire un million de raps…

Sinon, je fais évidemment un nouvel album avec Thavius. On va vraiment se lâcher pour ce disque. On avait réussi à enregistrer six chansons avant que je parte en tournée. J'avais fait trois beats et j'avais posé sur trois beats de Thavius… mais cet enfoiré est arrivé avec 17 nouveaux beats vraiment mortels et ça m'a rendu fou! On n'arrête pas de travailler. On veut vraiment frapper fort avec ce disque. On va vraiment faire ce dont on a envie. On veut que ce soit un disque dont les gens parlent. Sur le premier LabWaste, nous n'avons fait aucun compromis et ça a posé les bases pour de nouvelles choses… même si je continue de penser qu'on aurait pu faire plus de bruit avec ce disque si on avait signé sur un meilleur label. J'espère que les gens vont nous suivre dans la suite de cette aventure. En tout cas, on avait eu une très bonne approche pour le premier disque, on n'avait pas cherché à faire plaisir à quelqu'un et on avait fait comme si personne n'en avait rien à faire, à part nous. De toute façon, plein de gens trouvaient que c'était trop bizarre, et c'est vrai… D'ailleurs, j'ai envie de leur dire: "Merci, continuez à penser ça". Pour le prochain LabWaste, on ne va pas forcément chercher à jouer la carte de l'indépendance en termes de label, on verra, on va juste faire un super disque et on le sortira.

En ce qui concerne le premier LabWaste, nous n'étions pas dans la même pièce lors de l'enregistrement. Thav et moi, on bossait chacun dans notre studio et on se retrouvait juste de temps en temps pour faire le point et s'échanger des CD's. Depuis, on traîne beaucoup plus ensemble mais on aime bien enregistrer chacun de notre côté, vu que c'est confortable. Je sais bien comment il travaille et il sait comment je fonctionne donc nous n'avons pas besoin d'être dans la même pièce pour être en phase. Je suis content d'avoir une relation de ce type avec un tel génie. C'est encore plus fort de savoir qu'il m'estime lui aussi. Un jour qu'il me conduisait dans le coin où Dilla créchait, nous étions dans la voiture de Thavius à discuter de musique et juste avant que je parte, je lui ai dit que j'avais la même estime pour lui que pour Dilla ; il m'a dit qu'il en pensait tout autant de moi, mais que je n'en avais même pas conscience…

Le truc avec Adlib, c'est qu'il a le don de faire des beats auxquels j'aurai probablement pensé un jour, s'il n'y avait pas pensé avant moi. Mais comme il y pense en premier, il me bat! Du coup, la seule chose que je suis en mesure de faire, c'est d'écrire quelque chose qui accompagnera ce beat de la meilleure façon possible. Il n'y a quasiment personne qui puisse écrire sur de tels beats, à part lui, mais moi, je peux le faire parce que je comprends ce qu'il fait à longueur d'année.





HHC: J'ai l'impression que la première fois qu'ils entendent LabWaste, beaucoup de gens n'accrochent pas parce qu'ils n'y comprennent rien, mais qu'après un moment et quelques écoutes, ils deviennent captiver parce que ce groupe dégage… As-tu déjà rencontré des auditeurs conformes à cette description?



S: Carrément, c'est vraiment le cas pour beaucoup de monde. A la première écoute, certains gens ont détesté la musique puis ils se sont retrouvés à l'écouter tout le temps. Je comprends cette réaction, ça ne me gêne pas. Il faut un peu de temps pour s'habituer à LabWaste parce que c'est plein de nouvelles idées. C'est tellement nouveau qu'on vient juste d'y penser, de l'enregistrer et que vous venez juste de l'écouter. Il est tout à fait normal que les gens voient LabWaste différemment de mon travail ou du travail de Thav pour lesquels il y a déjà une quinzaine d'albums antérieurs. Pour LabWaste, on débarque avec des trucs qu'aucun de nous n'a fait jusqu'ici parce qu'on veut que ce soit vraiment nouveau. Je veux dire, je suis déjà super content que des gens comme vous aient aimé ce disque. Thav et Sa-Ra m'ont appris quelque chose que je garde constamment à l'esprit et que j'emporterais dans ma tombe : tu ne peux pas en vouloir à quelqu'un qui écoute ta musique pour la première fois et qui ne la comprend pas parce que c'est nouveau. Ce disque est fait pour te déstabiliser de toute façon, il n'est pas destiné à une consommation de masse, il est fait pour des gens qui se trouvent un peu bizarres. Tout le monde ne peut pas rentrer dedans, et c'est voulu.

En même temps, je pense qu'à un moment, cette attitude a viré à l'égoïsme, parceque j'en suis arrivé à faire des disques que seuls moi et mes cinq copains peuvent comprendre. Enfin, c'est ce que je croyais, mais maintenant, je suis en France et je ne me pose plus ces questions, parce que je me suis rendu compte qu'en réalité même cette musique est pour tout le monde. C'est ce que j'ai appris au cours de mes voyages… Donc une grande partie de la musique que nous allons faire ne sera pas destinée à tout le monde, mais en même temps, elle sera destinée à tout le monde! On va présenter des idées au monde.



HHC: Tu penses que tu pourrais faire un album aussi sombre et heurté que "Lost Love Stays Lost" aujourd'hui?



S: Non, plus maintenant. Je comprends mieux la musique désormais, donc je comprends l'intérêt de laisser les titres vivre et respirer. C'est quelque chose que je ne savais pas avant. Maintenant, je comprends ce que je dois faire et la manière dont les chansons doivent être traitées et respectées. Une chanson n'a pas besoin d'être un grand fourre-tout. J'ai appris que quoi que je pense de ma musique, je ne sonnerai jamais comme quelqu'un d'autre. Les gens me l'ont répété suffisamment de fois et je finis enfin par les croire. Je pense que plus je rationaliserai ma musique et plus j'en saurai sur la musique, plus je serai à même de faire ce que je veux tout en gardant ma personnalité!

Ma voix sera toujours ma voix et ma musique sera toujours la mienne. Quoi que je fasse, ce sera ma version de la house, ma version de l'électro minimaliste, ma version du R&B, ma version du rock, la mienne, pas celle des autres. Parfois, peut-être que ma version sera très proche de celle de tous les autres, mais ce sera toujours la mienne. Il se peut que ce ne soit pas une version à laquelle personne n'aura jamais pensé auparavant mais ce sera mon point de vue.





HHC: Y'aura-t-il un autre épisode de Weekend Science Experiment, maintenant que Mums et toi êtes devenus des artistes bien plus reconnus qu'à l'époque de "1B" et "Binary Theorem"?



S: Je ne pense pas, vu que Mums va devenir avocat d'ici peu. Tu m'aurais demandé ça il y a quelques années, je t'aurais dit que c'était totalement impossible, parce que j'étais jeune et un peu stupide. J'étais attristé de voir que Mums m'avait laissé pour aller bosser sur les projets de Murs à plein temps. Maintenant, avec du recul, je comprend parfaitement sa décision. A l'époque, je passais mes journées chez moi à enregistrer des titres sur 4-pistes et à me défoncer, tandis que Murs ne fumait rien, qu'il faisait tout le temps des putains de disques et qu'il voyageait partout dans le monde… et on avait le même âge. C'est sûr que dans la situation de Mums, j'aurai fait le même choix. Mais moi, j'étais vraiment couillon et je ne le comprenais pas. Mums et moi, on ne fait plus vraiment le même type de musique maintenant, mais dans l'absolu je pourrais encore rapper sur n'importe lequel de ses beats parce que c'est le gars qui m'a fait mon tout premier beat. Le seul truc, c'est qu'on a déjà enregistré deux autres disques qui restent encore inédits à ce jour, donc avant qu'on fasse autre chose ensemble, j'aimerais bien m'assurer que ces deux disques atteignent les bacs.



HHC: Qu'en est-il de ton amitié de longue date (mouvementée) avec AntiMC?



S: On avait fait la chanson 'Shake, Rattle, Rattle' pour son projet solo (ndlr: titre présent sur le maxi 'Run' encore disponible chez Mush) et il reste un de mes meilleurs amis, même si, pour plein de raisons, on ne traîne plus aussi souvent ensemble qu'il y a quelques années. Je lui avais demandé de me faire quelque chose pour "Young Dangerous Heart" mais on n'a pas réussi à trouver le temps. La dernière fois que je l'ai vu, c'était lors d'un concert de LabWaste pour une convention au Texas. Il était content que ça se passe bien pour Thav et moi… AntiMC est un vrai musicien, un virtuose, qui peut jouer de tous les instruments. Je ne veux pas le limiter en rappant. Par contre, s'il veut faire un truc avec moi, je le ferai et vite, aucun problème! Mais je ne pense pas que nous ferons un autre projet du genre de "Appropriately Complex", parce qu'on est tous les deux dans des phases différentes de nos vies. Je n'ai plus envie de faire des titres sans réverb qui sonnent comme s'ils avaient été mixés dans une boîte à chaussures (rires).

C'est différent maintenant, mais on est toujours potes. Et je suis quelqu'un de plus heureux maintenant… Il se peut même qu'on reforme plus ou moins le Library Crew d'ici peu, ce qui serait vraiment marrant. Tous les mecs avec qui j'ai commencé sont tous de retour sur le devant de la scène maintenant, même si on a suivi des trajectoires différentes. Mums sera bientôt avocat, AntiMC bosse chez Mush, moi chez Alpha Pup, Lexicon font leur truc, Dramatic d'Oxnard aussi, mais quand on se retrouve, on s'entend toujours bien, on a plein de trucs à se dire et on veut encore faire des choses ensemble… Alors qu'il y a trois ans de ça, j'aurai envoyé chier tous ces gars, sans raison particulière, parce que j'étais un peu con. Désormais, on en est tous au point où on peut travailler comme on veut. Peut-être qu'on fera un album, j'aimerai bien, mais je ne peux rien garantir pour l'instant, parce que je dois déjà terminer l'album de LabWaste et le Giovanni Marks.





HHC: La ville, Los Angeles en particulier avec toute son énergie, semble être une des raisons pour laquelle ta musique a souvent été si oppressante et étouffante…



S: Je pense que maintenant que j'ai voyagé un peu et que j'ai pu rentrer en contact et être accepté par d'autres scènes similaires à celle de Los Angeles (par exemple, je fais un peu partie de la scène hip-hop de Montréal, je suis en contact avec des homies en France, en Angleterre, en Croatie ou au New Jersey), Los Angeles n'a plus d'importance. Ce sera toujours l'endroit d'où je viens mais, même si j'aurai toujours cette ville dans mes veines, le monde est bien plus grand que L.A. Maintenant que j'ai réussi à avoir une certaine influence sur la scène angelino, ça n'a plus vraiment d'importance, parce que j'ai réalisé que cette scène a une attitude très élitiste qui ne me convient pas. Etre un séparatiste, c'est justement rompre avec tout ça et faire un truc autour duquel tout le monde peut se rassembler. Je ne veux plus de ces plans où tout le monde reste assis dans une pièce à dire "ouais, on défonce" sans jamais vraiment mettre les moyens en œuvre pour faire parler de lui…

Ellay Khule m'a avoué que c'est ce qui est arrivé au Blowed. Tous les gars passaient leur temps ensemble, en cercle fermé, à se répéter qu'ils étaient super forts, et au final, des mecs qui avaient passé des années à plus ou moins pomper leur style ont fini par devenir plus réputés qu'eux. Pas parce qu'ils étaient meilleurs, mais parce qu'ils occupaient l'espace, parce qu'ils se bougeaient! A mes yeux, la scène de L.A. est très superficielle. Tout le monde veut être vu. Mais moi, je veux travailler. Je n'ai pas envie qu'on prenne des photos de moi. Si j'avais envie de ça, je ferais du mannequinat ou des pubs et je me ferais payer pour ça. Mais je suis là pour faire des disques. A Los Angeles, nous avons beaucoup de potentiel et d'idées, mais j'ai l'impression qu'aucun des musiciens ou des emcees n'a vraiment envie de donner son maximum ; sinon on ferait comme dans le Minnesota ou à New York.

Quand j'étais gamin, j'étais un nerd. Je passais mes journées dans ma chambre à écrire des textes et à rester à l'écart donc il y aura toujours une partie de moi qui sera comme ça. Mais en grandissant et en rencontrant une certaine popularité depuis que j'ai la vingtaine, j'ai réalisé que tout le monde peut se fabriquer sa propre "scène". Après tout, une scène, ça se résume à 25 mecs dans une pièce: un mec qui sait faire des flyers, un autre qui fabrique des vêtements, quatre autres qui sont dans un groupe, deux filles qui sont dans tous les bons plans… Si t'as ça, tu as une scène! Il suffit qu'il y ait un mec du crew dont l'oncle a un bar, tu y organises un concert et c'est parti. Quand tu lis les journalistes, tu as l'impression que c'est quelque chose de fou mais ce n'a rien de fantastique ; chacun essaie juste de faire son trou. Certaines personnes disent que ma musique est importante, mais moi, je m'en fous! (rires) Une scène n'est que ce que tu veux bien en faire. C'est le résultat du travail des artistes, mais c'est aussi quelque chose que les journalistes inventent. C'est vrai dans n'importe quelle ville.

Moi, j'ai envie d'en faire une scène à l'échelle planétaire. Je veux voir plus grand maintenant donc c'est à propos de ça que j'ai envie de rapper, je ne veux plus rapper sur Los Angeles… En tout cas, tant qu'il n'y aura pas plus d'angelinos à mes concerts (rires) Tu sais, en France, il y a eu Hip-Hop Core et West Coast Indies pour parler de nous, mais il n'y a pas d'équivalent à Los Angeles! (rires) Je vois les choses différemment maintenant.

Mais c'est sûr que j'ai beaucoup appris au contact de la scène de Los Angeles. Ca m'a donné une assise et du courage. Maintenant je peux me retrouver à rapper dans un musée, comme aujourd'hui, et les gens apprécient. Je peux aller à New York, sans en avoir rien à foutre de ce qu'ils pensent de moi, et tout déchirer, parce que je viens de L.A. Ce n'est pas facile de trouver un truc pour que les gens te comprennent et comprennent ta vision émanant d'un lieu où ils ne vivent même pas… mais L.A. m'a au moins donné le courage d'essayer d'y parvenir.



Interview de Cobalt et Billyjack
Photos prises à La Cartonnerie (Reims) par le collectif ArtEos
Octobre 2006

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