Texaco

Figure emblématique du Hip-Hop en France, Texaco n'est plus à présenter, et pourtant il nous a semblé judicieux de revenir avec lui sur sa carrière qui force le respect. Homme de promo, concepteur de mixs pointus, créateur du fanzine le plus célèbre de l'Hexagone, Texaco c'est un peu tout ça. Mettre en avant des artistes c'est son métier, Hip-Hop Core a donc décidé de lui rendre la pareille et de mettre en lumière cet infatigable activiste.



Hip-Hop Core : Présentation pour nos lecteurs ?



Texaco : Texaco a.k.a. Tex a.k.a. Uncle T, j'ai 42 ans dont 23 passés au sein de la culture hip-hop.



HHC : Quels ont été tes premiers contacts avec cette culture ?



T : Mes premiers contacts comme tout le monde ça a été "Hip-Hop" de Sidney, j'avais bien entendu écouté Sugarhill Gang et d'autres morceaux de rap avant tout ça, mais je ne savais pas que ça faisait parti d'une culture entière, pour moi c'était juste du funk parlé au lieu d'être chanté. Je n'ai pas accroché tout de suite, c'est pendant le creux de la vague de sur-médiatisation que j'ai vraiment compris les tenants et les aboutissants de cette culture et que je me suis vraiment mis dedans, tout d'abord via le graffiti.



HHC : Tu as longtemps pratiqué cette discipline ? A ce sujet pourquoi Texaco ?



T : J'ai pratiqué cette discipline de 1986 à 1991, j'ai arrêté car mon niveau était trop faible comparé aux nouvelles générations. Le surnom de Texaco m'a été donné par mon père et mes potes car quand je partais en mission j'étais toujours habillé avec une combinaison "bleu de travail", une casquette rouge et un bandana rouge, ils trouvaient que ça me donnait l'air d'un pompiste américain vu qu'on aimait bien les surnoms à l'américaine à l'époque Texaco s'est imposé tout naturellement.



HHC : Comment as-tu intégré l'aventure Get Busy ?



T : C'est moi qui ai eu l'idée de créer Get Busy, car c'était l'époque où les médias mélangeaient bande de zulu et zulu nation et écrivait tout et n'importe quoi là dessus. Il n'y avait aucun média qui traitait le hip-hop avec respect. J'étais proche de Crazy JM des IZB, il était une plaque tournante du hip-hop à Paris. Il m'a présenté Sear, and the rest is history.



HHC : Quelles sont les interviews qui t'ont marqué ?



T : Sans aucun doute Gangstarr, Third Bass et House Of Pain. Gangstarr car le courant est très vite passé entre nous et eux (à savoir qu'on réalisait le plus souvent les interviews en binôme Sear et moi) et qu'on a passé beaucoup de temps avec eux à discuter après l'interview. Third Bass idem car on a fini dans leur chambre d'hôtel à écouter des inédits et des morceaux destinés à leur prochain album. Enfin House Of Pain car on a réalisé une séance photo d'anthologie devant leur hôtel (cf. la couverture de Get Busy où ils sont en photo).





HHC : A partir de quels moments t'es tu lancé dans la promo d'artistes ?



T : Quand j'ai quitté Get Busy en 1993, Sens Unik m'a proposé de promouvoir leur premier album en France.



HHC : Quels ont été les artistes avec lesquels tu as débuté ce job ?



T : Sens Unik, Fabe et Sleo.



HHC : Tu as apporté en France la street promo, quelles ont été tes inspirations outre atlantique ?



T : Loud Records et SRC où j'ai effectué un stage en 1994/95.



HHC : La période bénite pour ce label, tu as travaillé sur quels artistes durant ce stage ?



T : J'ai principalement travaillé sur le premier album d'Xzibit et sur le premier album de Sadat X. A savoir que mon stage était chez SRC donc je travaillais aussi sur Helly Hansen, sur le lancement de Vibes Magazine et sur du consulting pour Nike.



HHC : Quel était ton lien avec le complot des bas fond ?



T : Fabe et les Sleo étaient mes potes, on était dans le même crew à la fin des années 80 début des années 90 (la longue posse) puis je les ai managé au début de leur carrière. Le complot des bas fonds c'était donc la prolongation d'une histoire d'amitié à la base.



HHC : Quel fut le rapper avec lequel tu as le mieux collaboré ou celui dont tu es fier du résultat ?



T : Fabe.



HHC: Pourquoi ? Si je ne m'abuse c'est également le seul rapper qui a fait référence à ton travail en tant que promoteur sur le morceau 'Exercice De Style'.



T : Parce que Fabe me faisait entièrement confiance, qu'il me laissait tester des nouvelles idées et qu'on parlait beaucoup de stratégie promo en amont de la sortie. Mon plus beau cadeau a été le jour où il m'a dit "j'ai une surprise pour toi" et qu'il m'a fait écouter le morceau 'Exercice De Style'. Code 187 m'a aussi fait une dédicace dans un des morceaux de leur premier maxi, sinon je n'ai jamais eu de dédicaces discographiques même si j'ai été très souvent crédité sur les pochettes d'albums.





HHC : Tu intervenais aussi sur le domaine artistique auprès des rappers dont tu faisais la promo ?



T : Non pas vraiment je préférais ne pas aller en studio et ne pas écouter les maquettes car après ton jugement est faussé, tu ne peux pas prendre assez de recul tu es trop dedans.



HHC : Si je te demande quelle est pour toi ta meilleure campagne de promo ?



T : La tournée street promo a l'échelle européenne de Loud Records qu'on a monté pour promouvoir Xzibit, Prodigy, M.O.P. et le Wu-Tang en parallèle à la tournée de Eminem, Outkast et Xzibit. On a eu le budget qu'on voulait pour faire un vrai truc et les résultats ont été a la hauteur des espérances, +30% de vente par rapport aux objectifs dans tous les pays où nous sommes passés. Sinon tout le travail que nous avons réalisé sur le label Rawkus et sur le label Def Jam.



HHC : Quelles sont les promos que tu n'as pas faites, sur lesquelles tu aurais aimé travailler ?



T : J'aurais vraiment adoré travailler sur "Paris Sous Les Bombes"de NTM, qui n'ont jamais bénéficié d'une street promo de grande envergure et cet album était parfait pour ça.



HHC : Tu as aussi travaillé avec des grosses multinationales, n'y a-t-il pas un coté schizophrène lorsqu'on a un pied dans la rue et l'autre dans les bureaux de grandes compagnies ?



T : Non ça n'est pas parce que tu viens de la rue que tu dois te cantonner à ça, mes modèles en terme de business : Russel Simmons, Puffy, Kevin Liles et Steve Rifkind ont suivi ce chemin là. Après c'est vrai que ça peut être compliqué à gérer mais ça fait toujours plaisir quand ton savoir faire est reconnu par les plus grandes marques (Nike, l'Oréal, Myspace, Mc Donald...).



HHC : As-tu rencontré des difficultés au passage du tout numérique ?



T : Oui car la nature de mon travail a été radicalement transformé, plus d'envois de vinyles, plus dur d'avoir le sons en exclu donc une déperdition en terme de promo, mais on peut pas lutter contre le progrès.



HHC : Tu parles d'envois de vinyles, comment as-tu constitué ton carnet d'adresses ?



T : Mon carnet d'adresses a démarré avec Get Busy car c'est moi qui m'occupait de la distribution en province et on s'appuyait beaucoup sur les rares émissions radios de l'époque, ensuite lors des tournées avec Fabe et Sens Unik j'ai rencontré beaucoup de DJ's de province. Par la suite comme nous étions quasiment les seuls à envoyer du vinyle les DJ's sont venus directement à nous.



HHC : Penses-tu qu'à l'image du rap, la street promo a eu son heure de gloire ?



T : Oui et non, c'est devenu un outil marketing comme un autre utilisé par tout le monde, des marques les plus pointues au marques les plus mainstream.



HHC : Quelles sont tes activités à l'heure actuelle ?



T : Je travaille au culture marketing département de Red Bull et je suis consultant pour des marques, Jordan US entre autres.





HHC : Dernièrement tu es très actif au niveau des mixs, tu te considères avant tout comme DJ ?



T : Je ne me suis jamais considéré comme un DJ, si tu regardes je n'ai pas mis DJ devant Uncle T, je suis plus un kiffeur de son qui est passé aux platines car il ne trouvait pas son bonheur au niveau des DJ's français. Au départ je faisais des mixtapes de samples pour moi en pensant que ça n'intéresserait personne ici, et en les passant au bureau je me suis rendu compte que tout le monde voulait que je leur copie (c'était encore des cassettes à l'époque). Je me suis donc dis "pourquoi ne pas les sortir en vrai ?" N'étant pas du tout technique je me suis toujours associé à de "vrais" DJ's pour les réaliser (Vr The Legende, Arthur King, Ewone, DJ Soon, DJ SOS, Sélecta KZA). Étant plus un homme de marketing j'ai toujours réussi à trouver des concepts intéressants et novateurs, ceci explique aussi le succès de ces tapes.



HHC : Quelles ont été tes références dans ce domaine ?



T : Les crate diggers Kon & Amir, DJ Muro, la mixtape des samples de Biggie par Mister Cee. Les innovateurs tels que Mark Ronson et DJ Am. Les DJ's qui se prenaient la tête sur le concept de leur tape : Cut Killer, Tony Touch, DJ Juice. Faire une tape de news ça m'intéresse pas, j'aime faire des mixtapes qui peuvent durer dans le temps, qui soient un temps soit peu éducatives tout en restant digestes, qu'elles soient novatrices et qu'elles puissent plaire aussi bien aux novices qu'aux gens pointus.



HHC : Le dernier mix en date est un spécial Breaks, tu peux nous en dire quelques mots ?



T : La mixtape spéciale Breaks regroupe 150 samples et breaks, on a essayé de faire ça de manière chronologique en commençant par les breaks qui étaient utilisés dans les blocks partys au début du hip-hop puis en faisant des plages par thèmes (samples français, samples ethniques, samples r'n'b, samples badboy...).



HHC : Et quelles sont les prochaines à venir ?



T : Le volume 5 de Groove Deluxe avec Vr, la mixtape "L'âge d'Or Hip-Hop US 88-92" toujours avec Vr, qui prépare aussi le volume 2 du "Rap c'est Franc". Je suis aussi en train de taffer sur des mixtapes plus pointues, "Soul Of Brazil", "Soul Of Africa" et "Soul Of Japan".



HHC : Peux tu nous parler de DJ Vr avec lequel tu collabores beaucoup ?



T : Vr est un des piliers du hip-hop à Évry et dans le 91, beaucoup des rappers connus du coin ont commencé grâce à lui, il a toujours été transmetteur de bons sons et de bonnes vibes hip-hop (cf. les lyrics que lui a dédié Disiz dans son premier album). On se connaît depuis plus de 10 ans, c'est lui qui m'a appris à mixer et a être autre chose qu'un pousseur de disques.



HHC : Comment travaille-t-on un mix en binôme ?



T : Généralement je m'occupe du concept et de la sélection et je laisse la partie technique à ceux qui savent faire.





HHC: Quel est le concept des "Groove Deluxe" ?



T : "Groove Deluxe" au départ c'est une série de mixtapes soul midtempo, souvent des morceaux qui ont été ultra samplés et puis par la suite c'est devenu des soirées. On est parti du principe qu'étant tous trentenaires ou quadragénaires on ne se retrouvait plus dans les soirées hip-hop d'aujourd'hui qui sont formatées pour un public très jeune. On a donc décidé de faire des soirées pour notre génération qui mélangent Soul, Funk, Reggae, Hip Hop old school et quelques nouveautés. Étant tous impliqués dans ce mouvement depuis une vingtaine d'années et étant tous acteurs, on a fait jouer nos réseaux. Comme il y avait un vide à ce niveau là ça a vite pris ; cela fait bientôt trois ans que nos soirées existent et tous les plus gros DJ's français viennent jouer pour le kif (Cut Killer, Lord Issa, Ewone, Poska…) car ils peuvent jouer des sons pour un public averti et que ça leur manque.



HHC : C'est quelque chose que ces DJ's te disent ?



T : Oui ils me le disent tous sans exception, ils viennent car ils peuvent vraiment se faire plaisir et jouer des titres qu'ils ne peuvent pas jouer ailleurs, on a d'ailleurs énormément de demandes de DJ's qui veulent venir jouer à la Groove Deluxe, mais on n'invite que ceux qui correspondent à l'esprit de la soirée.



HHC : J'ai entendu dire que c'était toi qui était à l'origine du retour de DJ Clyde lors de l'anniversaire de la Air Force One ? Si c'est le cas tu peux nous en parler ?



T : J'ai juste mis Clyde en contact avec les gens de Nike qui voulaient absolument le faire jouer a la soirée des 25 ans de la Air Force One, rien de plus.



HHC : Vu ton parcours, ta collection de disques doit être impressionnante, comment la décrirais tu ? (style, nombre…)



T : J'ai environ 6 à 7000 disques chez moi, moitié hip-hop moitié soul/funk, j'ai fait plusieurs fois des gros tris dans ma collection pour ne garder que les disques que j'aime vraiment sinon j'en serais sûrement a 10 ou 12000 galettes.



HHC : Pour finir tu es également connu dans le monde de la basket pour être un gros collectionneur, tu vois beaucoup de similitude avec le monde des DJ's et autres diggeurs ?



T : Si tu regardes bien la plupart des gros collectionneurs de sneakers sont également DJ's : Clark Kent, DJ Emz, Roc Raida, Biz Markie… Quand tu aimes digger tu aimes digger, tu es à la recherche de la pièce rare que ce soit une paire de basket ou un skeud.



Interview de Bachir
Novembre 2009

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