Subtitle
Young Dangerous Heart

Giovanni Marks est à part. Immense, surproductif, fuyant, touche-à-tout, il est aussi intéréssant à voir évoluer que difficile à suivre. La musique de ce fan de Sonic Youth, Company Flow et Autechre n'a pas vraiment d'équivalent. Bourré d'influences a priori antinomiques, le rap de ce "project blowdian" d'adoption est brut et souvent minimal, agressif et synthétique. Et surtout terriblement personnel. Là est le paradoxe ; nombriliste, difficile d'accès, hautaîne et dépourvue de toute portée émotionelle, la musique de Subtitle pourrait pourtant devenir (si le monde était plus juste) un point de ralliement pour des auditeurs aux univers opposés et qui n'avaient jamais pensé jusqu'alors avoir de références et d'attentes communes.

Avant qu'il rejoigne les rangs du label Gold Standard Laboratories (maison-mère de The Mars Volta), Subtitle n'avait abreuvé les bacs à disques qu'avec des projets confidentiels et sans véritable retentissement (en vrac, le projet "Week End Science Experiment", "Non Vox For Box", "Analog Gut"...). "Young Dangerous Heart", qui fait suite à l'incroyable EP "I'm Always Recovering From Tomorrow" et deux maxis, n'est donc que le véritable premier album de Giovanni Marks/Subtitle, moitié du duo Labwaste et transfuge de la West Coast Workforce et du Project Blowed.

Livré quelques mois après le tonitruant "Zwarte Achtegrond" (le premier album du combo Labwaste qui devrait rester à la postérité), "Young Dangerous Heart" se démarque d'emblée de ses prédécesseurs par son casting. A de très rares exceptions près, on a toujours entendu Subtitle sur ses propres compositions. Or, on retrouve pas moins de 9 beatmakers extérieurs aux crédits de cet album enregistré entre 2003 et 2005. Un choix qui trouve forcément écho sur la tonalité générale de l'album. Globalement plus accessible que ses prédécesseurs, "Young Dangerous Heart" est aussi plus hétérogène que "I'm Always Recovering From Tomorrow" et "Zwarte Achtegrond", modèles de cohérénce s'il en est, en ce sens qu'il propose une plus large palette d'ambiances. Parmi les compositions qui dénotent franchement des beats squelettiques et des constructions claustrophobiques de Subtitle, le latino 'I Feel Nothing' de Deeskee construit autour d'un riff de guitare presque anachronique, ou le free-jazz distillé par l'obscur Cockamamie sur 'Fast Food/Fast Death'.

Sur le reste des compositions servies par les beatmakers invités, le clivage est moins flagrant. Adlib/Thavius Beck (dont on ne doutait pas une seconde de la capacité d'adaptation) habille le solennel monologue de son copain de chambrée en appuyant sur les bonnes touches de son synthétiseur ('Young Dangerous Heart'), Omid se mue en groupe de rock atmosphérique ('Leave Home') et Octavius postule discrètement chez Warp ('Killer Drones On Street')...

Du coté de Subtitle, les constantes sont là. Distillant avec toujours autant de solennité et de charisme son gangsta-rap digital, à base d'égo-trips compliqués, de reflexions ironiques (et lucides) sur la portée de sa musique ("Mark 03, making underground hits although 17 people know about it") et de punchlines indéchiffrables.

Les quelques plages produites par Subtee sont à la hauteur des prouesses mises en son sur le précédent EP. De la rythmique étouffée du minimal 'Palm Fronds', aux profondeurs du dépouillé 'Where To', en passant par les nappes qui enrobent le discours solennel qui clot le disque ("This's been an audio presentation brought to you by Giovanni Marks/Subtitle for Labwaste, Invisible Enemy, The Seperatists, Project Blowed and Gold Standard Laboratories, Los Angeles, California. Hopefully you enjoyed what you heard..."), Subtitle est irréprochable aux machines. De quoi renforcer la frustration. Quoi qu'il en soit, l'un des enseignements majeurs de "Young Dangerous Heart" qui s'avère être une des meilleures productions de l'année, est la facilité d'adaptation de son auteur qu'on aurait pu croire moins à l'aise, au micro, sur des compositions extérieures que sur ses propres travaux. Jamais, sur les 17 plages qui composent l'album, Giovanni Marks ne semble perturbé et ne dévie de sa trajectoire. On ne vous répétera jamais assez que Subtitle est un artiste sans concurrent à l'univers très particulier, un beatmaker surdoué et un MC au flow invraisemblable. Pour la forme, ajoutons à ce qui a déjà été dit que le possecut de fin est un florilège de flows assassins (Pterradacto !) et que le packaging est sans doute le plus beau de toute l'histoire de la westcoast underground. Achetez ce disque.

Kreme
Mai 2005
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Label: GSL
Production: Subtitle, Thavius Beck, Omid, Alias, Octavius, Headphone science, Old Joseph, Liferexall, Cockamamie, Deeskee
Année: 2005

01. Intro
02. Gio-Graph-Ick
03. Leave Home
04. Palm Fronds
05. Young Dangerous Heart
06. Fast Food / Fast Death
07. Cray Crazy (feat. No Can Do, Aceyalone & Busdriver)
08. Subtalk
09. Where To ?
10. Con-Contrived (I'm Not)
11. Serial Boxes
12. I Feel Nothing
13. Springtime In Rufferdam
14. Killer Drones On Street
15. Organichemico
16. Crew Cut (For Sale) (feat. No Cand Do, 2Mex, LMNO, Existereo, Pterrodacto, PSC LuckyIam, Awol One, Murs, Vixxin, Puzzoozzoo Watt, Liferexall & Busdriver)
17. Outro

Best Cuts: 'Gio-Graph-Ick', 'Young Dangerous Heart', 'Palm Fronds'

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