Debmaster
Monster Zoo

Entrez, mesdames et messieurs! Entrez et venez admirer de vos propres yeux les merveilles que recèlent cet endroit si particulier. Il en sort de partout, à vous en faire perdre la tête. Parfois accrochés à vos oreilles, les sons refuseront de laisser leur place et vous accompagneront jusqu'aux dernières secondes d'un morceau; ultimes limites qui, une fois atteintes, vous pousseront dans vos derniers retranchements. Bien entendu, la direction ne garantit pas que vous sortiez tous indemnes de l'écoute de ce qui se tient ici, tapi dans l'ombre telle une bête du sous-sol. Bienvenue à tous au sein du "Monster Zoo".

Un guide et maître des lieux: Debmaster. Picard d'origine, c'est dans un groupe punk qu'il effectue ses premiers pas musicaux en tant que batteur. Taper sur des fûts ou sur des sampleurs, quelle différence? C'est à partir de là qu'il va commencer à toucher du doigt l'un des éléments essentiels qui va contribuer à libérer le potentiel de ce premier jet solo: une rythmique bien maîtrisée. Alliée à une électro résolument 8-bit (rappelant les premières cartouches vidéoludiques des "Super Mario" et autres icônes Nintendoesques des années 80), la formule est toute trouvée.

Avançons dans le temps. Rendez-vous début 2005. Une petite structure musicale comme tant d'autres voit le jour. Hipnotik Records. Ca n'a l'air de rien comme ça; tout au plus une démarche indépendante de plus. Pourtant, contre toute attente, Hipnotik prépare son coup en douce. C'est suite à la première sortie du label, la compilation "Hipothetik Disaster", que l'on retrouve Debmaster qui nous présente sa 'Bête Du Sous-Sol'. Un avant-goût de ce qui va suivre.

Février 2006 a été choisi pour accueillir ce premier essai solo du producteur français sur le label angevin. Autant cadrer les choses d'entrée: c'est un coup de maître. En plusieurs actes.

En 15 morceaux, Debmaster nous expose tout son savoir-faire en matière de composition. Au fil de l'album, on se sent comme entourés par d'innombrables créatures sonores hybrides, à mi-chemin entre une électro dure et sauvage, mais aussi généreuse, et un rap cru, sans fioritures. Les saturations ne sont pas loin et on se prend à voyager au sein d'un appareil électronique complexe et riche. La tête enfouie dans les sampleurs et autres synthés qui peuplent les 15 cages qui composent ce zoo si particulier. Ainsi, on retrouve avec délectation bon nombre de prestations exclusivement instrumentales du propriétaire de l'édifice. Procédant par petites touches, progressant par à-coups, on pénètre petit à petit dans les méandres de l'univers de Deb, évitant de justesse de se prendre les pieds dans la masse imposante de câbles qui nous mènent d'un morceau à l'autre. Ainsi, on observe avec attention le défilé des pensionnaires sur l'angoissant 'March Of The Monsters', on se laisse prendre dans la transe musicale de cette séduisante 'Bombergirl' qui s'offre à nos oreilles, avant de se laisser surprendre par la mélodie entraînante d'un 'Bison Rock' édifié en guise d'épilogue; un dernier adieu brutal effectué avec maestria; une main s'agitant pour saluer notre départ, une autre posée sur ces synthés entêtants.

Pourtant, nous ne sommes jamais perdus. Au sein de cette immense cage à sons, certains visages nous sont étrangement familiers. Ainsi, la surprise est de taille à la lecture du tracklisting. Ayant tissé des liens avec l'Outre-Atlantique, Hipnotik aura permis diverses apparitions: les Australiens délurés et délirants de Curse Ov Dialect (auteurs récemment du superbe "Wooden Tongues"), The Whyknows (Existereo & Innaspace), Name Science (Inoe One & Sach), Bleubird, et même l'inénarrable Subtitle... Un casting à couper le souffle. Pourtant, il aurait été aisé de dresser ce portrait de famille comme une unique face brillante et clinquante de la médaille. Dresser des tigres de papier afin de les faire s'en prendre à l'auditeur quelque peu aventureux et un peu impressionnable. Mais rien de tel: les prestations sont toutes porteuses d'un grand effort collectif pour proposer une collaboration de qualité. Et on ne s'y trompe pas lorsque Subtitle, décidemment inusable et constamment efficace à la moindre de ses sorties, nous présente un 'Raw Deal' de très bonne facture; dans la droite ligne d'un "Terrain To Roam", dernier essai solo du gentil géant. Si les Curse Ov Dialect ou le duo Inoe One / Sach ne s'en laissent pas compter et entrent avec brio dans le monde tout électronique de Debmaster, une petite bombe musicale attend patiemment son tour.

Dés les premières secondes d'un rythme entraînant un head-banging des plus jouissifs, la voix d'Existereo calée à la perfection sur le beat annonce une explosion sonore, un 'Xplode' digne de figurer sur le podium des meilleurs prestations du genre de l'année passée. Un tube si facile à bien des égards. Dés la première écoute, nous voilà happés par la voix des deux protagonistes de Whyknows pour finir dans l'apothéose d'une série de notes de synthés se bousculant les unes les autres; une fin énergique puis une rupture nette. L'intensité musicale à son paroxysme le temps de trois minutes impressionnantes de maîtrise à tous les niveaux.

Le zoo propose aussi ses paradoxes. L'étrange et délirant 'Asile Story' nous montre un Donkishot en producteur de télévision sans scrupules. Vantant les mérites des pires exactions pour un programme de télé-réalité à faire froid dans le dos. Puis, il n'est de repos salutaire que le temps d'un 'Jenny' suave et langoureux en apparence; chanté par la voix particulière de Xavier Thiry qui nous mène au sein d'une relation amoureuse qui menace de faire basculer le jeune homme vers des méandres dont il semble bien difficile de revenir; à l'image de ses basses sombres qui accompagnent la légèreté d'une guitare acoustique.

Au sortir de multiples visites, ayant malmené quelque peu l'édifice pour le faire sortir du carcan de son organisation originelle, on s'aperçoit que l'on tient là un album particulièrement réussi. Une surprise d'autant plus intéressante qu'elle fait la part belle à un rap très apprécié par chez nous, en mêlant le savoir-faire d'un producteur français avec de la suite dans les idées à un casting des plus enviables. Et le travail réalisé s'avère d'autant plus rare dans l'Hexagone qu'il semble indispensable de s'arrêter quelques instants dessus et de le présenter au plus grand nombre. Hipnotik Records, avec cette deuxième sortie, a su lancer comme il se doit Debmaster vers un horizon qui s'avère plutôt réjouissant pour lui et pour nos oreilles.

La visite est éprouvante mais la découverte de tant de curiosités n'est pas pour nous déplaire. Tant et si bien que l'on se prend à repasser une nouvelle fois devant cette chose étrange en pâte à modeler qui orne l'entrée, histoire de se procurer une énième place dans le groupe en partance pour la visite puis de se plonger à nouveau dans l'exploration des bizarreries musicales du maître dompteur Debmaster, un fouet dans une main et un synthé dans l'autre.

Newton
Février 2007
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Label: Hipnotik Records
Production: Debmaster, Maître Vitalis, The Windbrothers
Année: Février 2006

01. La Fuite
02. Universal Bigot Eliminators (feat. Curse ov Dialect)
03. Angine
04. Xplode (feat. The Whyknows (Existereo & Innaspace))
05. March Of The Monsters
06. Digi (2020) (feat. Name Science (Inoe Oner & Sach))
07. Bombergirl
08. Skinnerd (feat. Bleubird)
09. Fashion In Hell
10. Raw Deal (feat. Subtitle)
11. 3 Bros
12. Asile Story (feat. Donkishot)
13. Push The Pressure
14. Jenny (feat. Maître Vitalis)
15. Bison Rock

Best Cuts: 'Xplode', 'Bison Rock', 'March Of The Monsters'

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