Radioinactive

Lorsque l'ami Radioinactive est de passage sur Paris, comme en novembre dernier à l'occasion de la soirée Coalition, l'équipe de votre webzine adoré peut difficilement faire autrement que de se déplacer en masse pour assister à la prestation du prodige californien et de ses compères d'un soir (Bigg Jus et dDamage, excusez du peu). Au sortir d'un concert pour le moins énergique, petite discussion avec un Radio toujours aussi ouvert. L'occasion de parler plus en détails de ce "Soundtrack To A Book" bref mais intense qui s'est imposé au fil des mois comme un des tous meilleurs albums de l'an passé… English version

Date : Mercredi 8 Novembre 2006
Lieu : Le Triptyque, Paris, France



Hip-Hop Core: Parlons un peu de ton dernier album, "Soundtrack To A Book". Que voulais-tu accomplir avec ce nouveau disque? S'agit-il du projet autoproduit dont tu nous parlais voici deux ans?



Radioinactive: Oui. Je me suis associé avec MidiMe, qui vient du rock analogique. En gros, je commençais par faire des versions démos assez grossières des titres sur ma MPC. Ensuite, on avait un gros Quad-Eight, un Roland S-50 et toute la panoplie analogique, un Teletronix LA2A, un DBX et tout le vieux matos qui a fait le son très pop des disques des années soixante à quatre-vingt. Je voulais garder un côté lo-fi mais dans une version améliorée. C'était cool. On a tout fait en tâtonnant, j'essayais de trouver des techniques pour obtenir les sons que je voulais et MidiMe me venait en aide. Il avait tout plein d'idées au niveau des techniques d'enregistrement et nous avons pu faire pleins de choses compliquées. Les détails de la production sont disponibles sur le site internet de Stranger Touch (hwww.strangertouchrecords.com). Ce sont des techniques analogiques de "geeks", où le procédé lui-même devient créatif. On avait des compresseurs qui compressaient les sons individuellement, ce genre de choses.



HHC: Qu'est-ce qui t'a donné envie de t'orienter vers ce son analogique, plus rock, qui est assez différent et plus "sale" que sur "Free Kamal" par exemple?



R: C'est une évolution, tout simplement. Tout le monde fait des découvertes en cours de route. Au début, tu es complètement insouciant et démuni: tu te contentes d'enregistrer, sans rien savoir des niveaux sonores ou quoi que ce soit, tu te débrouilles, de manière très intuitive. Ensuite, certaines personnes te donnent des conseils sur le son et t'apprennent par exemple qu'il faut s'assurer que tu as une bonne isolation sonore quand tu enregistres ta voix, en diminuant le niveau sonore de tes écouteurs, etc.

Et puis, à vrai dire, un ami à moi devait remixer tout le catalogue de Frank Sinatra. Il écoutait des enregistrements de Al Green. C'est là que je me suis rendu compte qu'une grande partie de la magie qu'on ressent en écoutant les vieux disques vient du fait que le son saigne, que tous les éléments s'infiltrent mutuellement: tu entends les percussions derrière les voix, dans le micro… C'est cette sorte de contamination entre les différents éléments qui fait la beauté du truc. Avec le numérique, j'ai un peu l'impression qu'on perd souvent ça, la beauté qui émanait de ce saignement, de ces sons qu'on entendait en arrière-plan… C'est une chose qu'on retrouve quand on ressort ces vieux disques qui sonnent si bien.

Beaucoup de productions d'aujourd'hui sont trop jolies, trop propres et perdent en vérité en retirant toute la saleté. Parce que comme on le sait tous, la vie, même si c'est une chose formidable, ce n'est pas tout beau et tout gentil. Donc les gens sont plus touchés par des sons un peu plus sales.





HHC: Par comparaison avec tes précédents albums, "Soundtrack To A Book" semble se transposer plus facilement sur scène. Les titres sont plus directs et plus à même de séduire les gens qui ne te connaissent pas. Est-ce que cela correspond ce que tu voulais faire et comment y es-tu parvenu?



R: Quand tu es jeune et rebelle, tu as tendance à avoir un avis sur tout, pas forcément nuancé, du genre "je ne vais pas voir de films parce que je ne soutiens pas les valeurs politiques actuelles, les super-puissances et toute cette merde". Tu es militant sur un peu tout. Mais en ce qui concerne notre forme d'art, je pense qu'on peut mettre fin à ces étiquettes genre "ça, c'est du hip-hop indus pour les gens du bloc de l'Est"… Si tu abolis les frontières et les limites, tu te rends compte que tout le monde évolue ou régresse.

Pour moi, la découverte importante, ça a été la composition. Tu peux être aussi conceptuel que tu veux, mais si tu évolues quand même dans un rythme 4/4, avec des couplets de 4 mesures et des refrains de 8 mesures… parfois, ta composition devient trop symétrique, trop parfaite, elle ne crée plus aucune tension et tout devient trop prévisible. Alors j'ai commencé à explorer d'autres horizons en écoutant de vieux disques de pop et de rock psychédélique, en étudiant leur fabrication et le format utilisé. J'essayais de devenir aussi créatif au niveau musical qu'au niveau des mots et des idées. Désormais je pense qu'il y a une part de subconscient là-dedans, certains formats de morceaux ouvrent des portes dans l'esprit des gens… C'est une question d'organisation.



HHC: Quelle a été exactement l'implication de Gideon Zaretsky aka MidiMe? Peux-tu nous en dire un peu plus sur lui?



R: C'est intéressant de constater qu'être producteur de hip-hop ou producteur de rock, ça n'a pas du tout la même résonance ou signification. La connotation n'est pas la même. En tout cas, voilà comment on fonctionnait, je programmais un beat, je venais avec un sample et il m'aidait à en faire une version élargie, en jouant des instruments sur le sample par exemple… Gideon rejouait le rythme que j'avais programmé sur ses percussions et on avait à disposition le beat programmé et les vrais percus. Ca nous permettait de travailler sur les changements, de créer des progressions au sein des titres, pour rendre l'ensemble plus intéressant On partait donc de mes idées de départ et on travaillait à les rendre plus complète. Mon but était de creuser la musicalité et d'attirer l'attention de ceux qui aiment tous les genres de musique…



HHC: D'où t'es venue l'idée d'utiliser ces vieux samplers et enregistreurs du début des années quatre-vingts?



R: Voilà une bonne question! En fait c'est un peu un secret mais si tu fais des recherches, tu t'apercevras qu'il s'agit d'une énigme à résoudre, d'un grand puzzle. Il y a des indices dans le disque permettant de comprendre pourquoi on a procédé de la sorte. Mais je pense qu'il est préférable de garder le mystère entier, plutôt que de tout divulguer et détailler. Ca fait partie du côté "Rubic's Cube" du disque!





HHC: On dirait que tu cherches parfois à trafiquer tes paroles jusqu'à en faire un tout assez difficile à déchiffrer ou à cerner, comme sur 'Radiator' où tu prends un malin plaisir à noyer ta voix dans plein d'effets sonores. Qu'est-ce qui t'as donné envie d'utiliser des effets? Ca ne te dérange pas que certaines personnes puissent passer totalement à côté du sens de tes écrits en cours de route?



R: L'idée de ces effets sonores m'est d'abord venue du titre 'Hurdy Gurdy Man' du chanteur folk des années soixante Donovan. Pour ce titre, je pense qu'il avait utilisé l'amplificateur tournant Leslie qui fait cet effet particulier [sa voix vibre et tremble pendant qu'il chante le refrain]. Alors quand j'ai commencé à travailler sur ce titre, je jouais avec ma voix pour arriver à obtenir cet effet… parce que l'idée de départ, c'est d'utiliser la voix comme un instrument. Les paroles sont disponibles sur les sites internet pour ceux qui les veulent à tout prix de toute façon. A mes yeux, tout est affaire de rythme dans le rap. Parfois je rappe vite, parfois je rappe à l'envers, ce qui fait que mes paroles sont parfois difficiles à comprendre d'une certaine façon. Pour 'Radiator', c'est difficile à comprendre mais pour une autre raison, parce que la voix va et vient, ce qui force ton imagination à combler les vides. C'est la manière dont fonctionne notre cerveau. Quand on voit des choses, on les voit à l'envers, en désordre et en noir et blanc. Le temps que l'information atteigne notre cortex, nous percevons quatre milliards de signaux par seconde mais nous n'en déchiffrons que trois mille… Et c'est notre esprit qui comble les vides en devinant ce qui est censé s'y trouver.



HHC: C'est une façon d'associer le fond et la forme?



R: Je pense que oui. La voix devient musicale, donc à un moment, peu importe si tu ne comprends pas. Que ça te plaise ou non, ton inconscient prend de toute façon en compte l'information et l'analyse. C'est indirect. Cela revient à écouter une cassette subliminale, et à se réveiller le matin en découvrant que tout d'un coup tu sais parler français!



HHC: Cette démarche a toujours été présente dans ta musique. Mais pourquoi faire appel maintenant à des effets sonores? Ce n'était pas souvent le cas dans les albums précédents.



R: En dehors des effets sur la voix, il y a plein d'autres effets dans l'album, comme ces sons trouvés ici et là qui viennent créer une ambiance et qui font réagir l'ouïe de différentes manières. Il y a beaucoup d'exploration dans les effets. Par exemple, pour 'Radiator', Gideon a eu l'idée de scotcher un petit micro et un émetteur radio sans fil sur la pale d'un ventilateur de plafond qui tournait. J'étais là à tenir un haut-parleur avec le son de ma voix et je le dirigeais vers le micro pendant qu'il tournait. On ajustait la vitesse de rotation du ventilo, on écoutait le résultat sur cassette et après on réajustait la vitesse et on recommençait jusqu'à qu'on soit parvenu à obtenir l'effet que nous désirions. On voulait créer un effet Leslie inversé. C'était cool à faire, et peu importe si personne ne sait comment on s'y est pris.





HHC: Tu sembles avide de nouveaux sons et j'ai un peu l'impression que tu cherches à constamment renouveler ton approche musicale…



R: Tu sais, le hip-hop a cette réputation de simplement piquer des sons chez d'autres artistes via le sample, mais on voulait créer quelque chose de plus, quelque chose de différent, de vraiment original. Si tu regardes le sticker de l'album, celui avec le robot, c'est un robot interactif 8-pistes qui te donnes différentes réponses lorsque tu appuies sur ses boutons et qui fait plein d'autres trucs. Et je considère cet album comme un robot analogique interactif. C'est un peu comme la vision que l'on pouvait avoir des robots parlants au début des années quatre-vingts, avant que l'épisode 2 de "Star Wars" n'arrive.



HHC: Qu'est-ce qui t'a décidé à produire toi-même l'ensemble de l'album?



R: Tout d'abord personne ne s'est présenté en me disant: "je veux absolument produire ton prochain album". J'ai toujours eu des difficultés à rapper sur mes propres beats, souvent je m'investis tellement dans la production qu'ensuite je n'ai plus assez d'énergie pour écrire. Mais je voulais faire avancer les choses et m'attaquer à des aspects que l'on n'avait pas explorés par le passé… Même si "Free Kamal" était très bien pensé et qu'AntiMC a réalisé plein de trucs dingues pour en faire ce que ça a été, je me demandais quelle orientation prendre après ce disque. Est-ce que je devais refaire la même chose?

Et j'étais là, comme un gosse entouré par tout le matos pour lequel MidiMe a dépensé des milliers de dollars au fil des ans. La console Quad-Eight qu'il a appartenait à l'évangéliste Oral Roberts il y a très longtemps, et elle traînait dans un coin à prendre la poussière. Je me suis dit qu'il vaudrait mieux s'en servir. Quand j'enregistrais mes voix, on utilisait six ou sept micros différents, des super micros Sony que je n'aurais jamais eu le luxe de pouvoir utiliser. J'essayais de renouer avec certains des éléments qui nous marquent quand on écoute des vieux disques, mais je voulais aussi éviter le cliché du truc pseudo-rétro. J'ai voulu combiner passé et présent pour atterrir ailleurs.

Et puis, il y a une autre raison qui m'a poussé à faire ça. Au début des années quatre-vingt-dix, je ne connaissais qu'un seul mec possédant un magnéto quatre pistes, un seul autre qui avait une SP-12, et on devait tous prendre le bus pour aller squatter chez eux et enregistrer. Mais aujourd'hui on vit à une époque où n'importe quel gamin à ton concert a un ordinateur et peut enregistrer son propre CD chez lui. Comment s'y retrouver? Je voulais que les gens réalisent que nous n'avons pas à nous limiter aux zéros et aux uns. Même si le numérique n'a rien de mauvais, la vie ne s'arrête pas là. Les ordinateurs peuvent être combinés avec tout. C'est pour ça que pour ce disque, on avait tous les trucs analogiques mais aussi Pro Tools Mix Plus.





HHC: Peux-tu nous dire quelques mots au sujet de Stranger Touch Records? Comment t'es-tu retrouvé à te lancer dans cette aventure après ton contrat avec Mush?



R: Tant que j'y suis, le nom du label vient d'un jeu très potache auquel tu peux jouer avec tes potes. Tu marches derrière quelqu'un sans qu'il le sache et d'un seul coup tu touches son dos avec le sommet de ton crâne… Ca renvoie un peu aux interconnexions triviales qui peuvent exister entre les gens, mais c'est juste pour rigoler.

Quand tu es sur un label comme Mush où tout semble couler de source, tu te fais des illusions. Tu en viens à croire que ton disque se fait comme par magie, que le distributeur l'achète naturellement et qu'une fois dans les magasins tout le monde l'achète… Mais un label, c'est beaucoup de boulot! J'ai travaillé chez un disquaire quand j'avais dix-huit ans et je n'avais pas l'impression que c'était quelque chose d'important à l'époque, même si j'étais un de ces gars qui vendent ton disque. Si tu n'y prêtes pas attention, tu peux passer à côté de cette interaction entre l'artiste, le distributeur, le label, les téléchargements sur le net, etc. Maintenant, même si ça m'a pris du temps, je me rends compte de l'importance de chaque maillon de la chaîne de l'industrie musicale. Il faut savoir s'adapter à un monde qui change.



HHC: Qu'est-ce que ça fait d'être du côté de la production de disques alors qu'à l'époque tu en vendais?



R: Je connais plein de musiciens qui bossent chez des disquaires, et qui sont en fait célèbres dans le monde entier mais qui n'ont plus un rond à cause des dette, vu qu'il n'est pas facile pour un artiste de faire de l'argent. C'est un cercle vicieux, tu peux être au sommet un instant, puis te retrouver à vendre des disques dans un magasin le lendemain.



HHC: Comment t'es tu retrouvé à travailler avec Eliott Lipp sur cet album?



R: Je l'ai rencontré grâce à Subtitle et Leo 123. Il m'a donné un titre. En fait, il y a eu un petit problème, parce que j'ai fait ce titre il y a pas mal de temps mais Eliott a ensuite utilisé l'instrumental pour un autre disque. Donc on a retravaillé le titre, on l'a un peu remixé et on a ajouté de nouveaux éléments… Mais le label a commencé à me dire qu'ils avaient la propriété de cet instru et tout le tintouin… donc Eliott a dû mettre les choses au clair avec eux.



HHC: Il était question à un moment d'une collaboration entre toi et Institubes ou d'autres gens en France. C'est toujours d'actualité?



R: Je suis toujours partant. Je crois que c'est juste une question d'argent et de planification pour le moment, mais j'adorerais faire ça. Je sais qu'Exist est venu ici et à enregistrer quelques titres. Je crois qu'Institubes compte les sortir.



HHC: Sur quoi travailles-tu en ce moment? Quels sont tes projets pour les prochains mois?



R: Je suis en tournée et j'espère bien enregistrer avec dDamage et peut-être TTC puisque je suis en France pour 3 semaines. Puis je vais m'occuper de la régie sonore et du mixage d'un documentaire tourné dans le Sahara, donc de décembre à février je serai au Niger, en Libye et en Egypte. Ce document parle de trois personnes qui essaient de traverser le Sahara en courant, à raison de 80 kilomètres par jour pendant 80 jours (des détails sur le site www.nationalgeographic.com) et je serai preneur de son à leurs côtés dans tous les villages qu'ils vont traverser. Le réalisateur a eu un oscar pour un précédent court-métrage et celui-ci est produit par la société de Matt Damon et Ben Affleck... J'espère que je pourrai en profiter pour capturer quelques sons originaux dans le désert.



HHC: Tu ne fais pas de musique sur ce film?



R: Un ami à moi participe à la bande originale du film, à laquelle participe également Bono de U2 qui fait un son avec Will.I.Am des Black Eyed Peas. J'espère que mon pote pourra m'aider à y être aussi!



HHC: Ce film est-il lié au mouvement d'ONG 'Drop The Debt' (abandon de la dette des pays du Sud)?



R: C'est surtout autour de l'eau, du manque d'eau plutôt... Ces gars courent à travers le Sahara et partout ils se retrouvent confrontés à ce problème, où les gens doivent parfois marcher pendant une demi-journée pour trouver de l'eau… une eau dégueulasse.



HHC: Tu as hâte d'y être?



R: Oui. Ca va être une bonne expérience. Je vais prendre du matos (une MPC-500 qui fonctionne sur batterie, un magnéto numérique quatre pistes et un huit pistes, ainsi que ma clarinette) pour pouvoir écrire et enregistrer plein de musique pendant le temps libre… parce que je vais en avoir un paquet quand je serai au beau milieu du Sahara. Artistiquement, c'est intéressant de sortir de sa zone de confort, de casser les habitudes… Sinon, ce sera peut-être l'occasion d'aller à la rencontre de mes racines dans cette partie du monde où je n'ai jamais été (ndlr: Radioinactive est d'origine égyptienne).



HHC: As-tu une formation d'ingénieur du son?



R: Je m'occupe du son sur plusieurs projets pour la télévision et le cinéma depuis plusieurs années déjà. J'ai travaillé sur "Opération Espadon", le film avec Halle Berry… J'ai fait plein de mauvaises émissions de télé-réalité. Cette année, j'étais sur "Survivor" (aux îles Cook) et "American Idol"! C'est assez ironique d'être au contact de tous ces gens qui veulent être sous les feux des projecteurs alors que je fais de la musique vraiment underground… Je me sens un peu comme Peter Parker, comme si j'avais cette autre vie dont les gens ne sont pas au courant. Mais j'aime bien cette situation, je peux rester dans un coin et observer tout ce manége en rigolant.



HHC: Quels sont tes projets en matière de rap?



R: J'ai travaillé avec Joe Dub, le producteur du dernier album de Ellay Khule. Il est en train de faire le genre de sons sur lesquels il a envie de m'entendre rapper, des trucs un peu plus old-school. C'est si décadent d'essayer à tout prix et constamment d'être créatif. Alors, je me suis dit merde! Retour aux sources et tout ça : samples, beats, scratches. L'essence du truc quoi. Je pense que c'est important. En tant qu'artiste, si tu es capable de faire aussi ce genre de choses, de varier les plaisirs, tu n'as pas ce sentiment d'être rangé dans une boîte, tu sens que tu peux faire tout ce que tu veux.



HHC: Subtitle nous disait qu'en tournée il passait souvent des nuits blanches à l'hôtel pour écrire des chansons. Es-tu toujours inspiré en tournée?



Radioinactive: Quand tu fais une tournée, tu comprends mieux ce que tu as envie de faire en live. Ca a un effet sur ton fonctionnement. Tu peux très bien te rendre compte de ce qui marche et de ce qui ne marche pas une fois sur scène, donc ça t'inspire à tenter plus de choses encore.





HHC: Peux-tu nous dire quelques mots au sujet de ton travail sur la compilation "Tropiczone Swap"?



R: Le projet avec Bobby Dollars, oui. C'était sympa. Ils m'ont contacté par email, ils m'ont parlé de leur précédent projet "Amphibious Swap" et ils m'ont dit en toute franchise qu'ils n'avaient pas d'argent à me filer mais que ce serait un projet cool… Je me suis dit que ça méritait d'être tenté. Bien sûr, on essaie tous de gagner de l'argent, mais parfois, c'est bien plus intéressant d'investir du temps et des lyrics pour découvrir de nouvelles choses, plutôt que de faire un peu de blé et de le dépenser juste derrière… Alors ils m'ont envoyé des fichiers, j'ai fait mon taf et je leur ai retourné mes prises de voix… On a tout fait via le web.

Il y a vraiment de grands artistes qui viennent de Suède, mais je regrette de ne pas avoir pu faire de concert officiel là-bas. C'est assez étrange d'ailleurs, vu qu'ils ont tous ces artistes… En Finlande ils adorent l'underground mais en Suède je crois que le public préfère des choses plus traditionnelles, du boom-bap classique. J'ai fait une interview en Suède avec un dénommé Matts qui a interviewé tout le monde, de Aretha Franklin à Al Green en passant par 50 Cent : ce mec sait absolument tout!



HHC: Comment décrirais-tu ton lien avec Los Angeles et la place que Los Angeles occupe dans tes paroles?



R: Los Angeles est une métropole tentaculaire, c'est très étendu. A vrai dire, ça ressemble plus à une province entière qu'à une ville. Tout le monde conduit des voitures, donc tu ne côtoies pas les gens de manière très rapprochée. Tu peux très bien rester dans ton monde, alors qu'à New York tout le monde vit les uns au-dessus des autres. A New York, tu peux très bien être différent d'un point de vue musical, mais dans le même temps, tu dois rester dans un certain format parce que tu côtoies tout le temps les autres musiciens ; il y a forcément une atmosphère de collaboration qui s'installe. A L.A., la scène underground est très petite mais il y a une poignée de personnes qui sont à fond dedans. Ca permet d'être à la fois isolé et entouré de beaucoup de monde, donc c'est l'endroit rêvé pour trouver son propre son.

Il y avait beaucoup de trendsetters dans l'underground angelino, des gars qui ont eu beaucoup d'influence, mais il fallait vraiment débarquer avec quelque chose de différent pour sortir du lot. Je crois que c'est Sesquipedalien (qui était sur 'Una Cosa' de "Pyramidi" et qui est un des premiers gars que j'ai rencontré au Good Life Café) qui me disait il y a longtemps de ça : "Tu dois faire quelque chose que seul toi peut faire". Lui, il rappait en espagnol, en verlan, et il parlait de surf parce qu'il vivait dans la South Bay… ce que personne ne faisait à South Central, vu qu'ils n'étaient pas mexicains et qu'ils n'habitaient pas à côté de la plage. Il faut toujours appliquer son seau personnel dans tout ce que tu fais, quelque chose que personne ne peut vraiment copier.

Pour toutes ces raisons, Los Angeles sera toujours une partie de moi et de mes textes. L'endroit d'où tu viens t'accompagne toujours un peu, mais il est bien sûr important de voyager. Il y a tellement de gens et d'endroits à découvrir, tant d'inspiration à prendre. Dans la musique, c'est pareil… J'encourage toujours les gens à ne pas écouter que du hip-hop, parce qu'ils vont être trop influencés par ça. Si tu veux rapper, écoute d'autres musiques venues d'une autre époque. De cette manière, tes influences seront plus subtiles et ta musique sera plus intéressante. Il faut savoir rester ouvert.



Interview de Cobalt & Billyjack
Janvier 2007

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