Tame One

Représentant émérite du New Jersey rapologique en tant que moitié d'Artifacts (si l'on excepte DJ Kaos) pendant une bonne partie des années 90, Tame One continue sa route en solo avec 2 classiques sur son CV. Revigoré par son intégration au sein du label Eastern Conference, Tame a orchestré ces dernières années son retour au premier plan après la dissolution difficile du groupe, acquérant au passage beaucoup de nouveaux fans pas forcément au courant de son prestigieux passé discographique. Alors que son premier album solo "When Rappers Attack" est sur la rampe de lancement et s'apprête à atterrir chez tous les disquaires, il nous a semblé essentiel de nous entretenir avec Tame One pour remettre au clair les idées de tout le monde, revenir sur l'expérience Artifacts, discuter des errances underground qui l'ont suivi et parler en détail de ce nouvel LP qui devrait faire grand bruit.



Hip-Hop Core : Avec les artistes de ta stature, il est toujours important de revenir un peu en arrière. Peux-tu rappeler à tout le monde comment s'est établi ton premier contact avec la culture hip-hop ?



Tame One : Quand j'étais jeune, je me souviens avoir été très attiré par le graffiti dès que j'ai vu les premiers trains couverts de tags. Juste au moment où je commençais à graffer moi-même, le rap est apparu à la radio avec les émissions de Red Alert, Marley Marl et Awesome 2. Je voulais écrire mon nom partout à cette période. Je me suis entraîné à griffonner des esquisses de pièces pendant 2 ans avant d'essayer de gâcher un peu de peinture sur les murs. Un an après mon premier graff, je me suis mis à écrire quelques rimes…



HHC : Comment avez-vous choisi le nom Artifacts avec El Da Sensei ?



T : A l'origine, on s'appelait "That's Them !". Mais pendant qu'on négociait notre contrat avec Big Beat, on a décidé de changer de nom pour mieux coller à l'image qu'on voulait renvoyer au public.



HHC : Quels sont les premiers shows que tu aies fait avec El ?



T : Des tremplins lycéens et des battles dans des clubs en majorité. On a aussi fait quelques tremplins au désormais défunt Club 88 à East Orange dans le New Jersey.



HHC : Comment avez-vous eu l'opportunité de signer avec Big Beat et d'enregistrer votre premier LP ?



T : J'ai gagné une battle téléphonique sur le show radio de Strech & Bobbito. Le premier prix était une chance de venir dans l'émission pour lâcher des rimes en direct au micro. J'ai invité El à venir avec moi ; on a rappé comme des malades et, comme à cette époque Stretch Armstrong était directeur artistique chez Big Beat, il nous a offert un deal.



HHC : Vois-tu toujours ton cousin Redman de manière régulière ?



T : Pas vraiment. Redman a déménagé de Brick City. Je crois qu'il habite à Shaolin (Staten Island, NY) maintenant.



HHC : 'Wrong Side Of Da Tracks' est définitivement un des titres quintessenciels du hip-hop. Pourquoi aviez-vous décidé de parler de graff sur ce titre ?



T : Les gens nous connaissaient tout d'abord par le biais de nos graffitis. Donc pour rester fidèles à notre base et à notre éthique, on voulait que notre première galette (en tant qu'artistes signés) ait un rapport avec ça.



HHC : Graffes-tu toujours ? Tu breakes sinon ?



T : Je ne fais plus de breakdance et, pour le graff, mes activités se limitent surtout à des cahiers que je noircis d'esquisses.



HHC : Comment c'était pour vous de travailler avec T-Ray et Buckwild pour "Between A Rock And A Hard Place" ? D'ailleurs, pourquoi les avez-vous choisi comme producteurs de votre premier album ?



T : En fait, ce sont les directeurs artistiques de Big Beat qui nous les ont présenté. Tout s'est super bien passé. Les vibes sont passés tout de suite. On leur a dit les idées qu'on avait en tête et ils ont parfaitement su leur donner corps. En plus, ils avaient vraiment de l'or dans les mains à l'époque. Ils étaient 'hot' musicalement parlant.



HHC : Par la suite, vous avez bossé avec Lord Finesse, Shawn J. Period, Brand Nubian, Showbiz et The Beatminerz. Une vraie dream team. Comment ressentiez-vous le fait d'être une part intégrante de la vibrante scène east coast des nineties ?



T : C'était une vraie lutte. On ne régnait pas sur les charts, si tu vois ce que je veux dire… Mais, c'était définitivement un honneur d'avoir l'occasion de pouvoir travailler avec chacun des artistes que tu cites.



HHC : Le second album d'Artifacts "That's Them" n'a pas reçu le même accueil critique élogieux que "Between A Rock And A Hard Place" à sa sortie (même s'il est aujourd'hui considéré comme un pur classique, nous y compris). Quelles ont été vos réactions à ce moment là ?



T : Personnellement, je sentais déjà que notre label n'était pas très chaud pour continuer l'aventure avec nous. J'ai juste dû grimacer, l'accepter et faire mon temps en préparant mes actions futures.



HHC : Qu'est ce qui s'est exactement passé avec Big Beat après ?



T : Quand on a pris note de leur manque de soutien du groupe, on a décidé de mettre un terme à notre relation avec eux. Et ensuite, quand j'ai noté certaines "attitudes", j'ai décidé de me barrer du groupe.



HHC : Peux-tu nous dévoiler une bonne fois pour toute l'identité des Brick City Kids qui ont sorti peu après la fin de votre contrat le maxi 'What What'/'Brick City Kids' sur Rawkus ?



T : Artifacts ! A l'époque, Big Beat nous aurait poursuivi si nous avions enregistré un titre et utilisé le nom d'Artifacts sans son consentement… alors on a utilisé un alias pour s'en sortir.



HHC : Après la rupture d'Artifacts, tu as pris un long break. Pourquoi ?



T : Avec toutes les tournées que j'avais dans les jambes, j'avais vraiment besoin de prendre du recul et de repenser ma position en tant qu'artiste. Je devais me défaire de mes rêves brisés et commencer à envisager une nouvelle vie.



HHC : Artifacts continue de représenter le groupe de hip-hop parfait pour tous les fans de boom-bap underground : des beats mortels, des lyrics affûtés, des flows énergétiques et une vraie connaissance de la culture. En tant qu'artiste solo, tu as continué dans cette voie et tu continues d'avoir cette aura auprès de tes fans originels. Qu'est ce que ça te fait ?



T : C'est génial. Aussi longtemps que des gens m'apprécieront pour ce que je fais et/ou ce que j'ai fait, ça voudra dire que j'aurai une base de fan prête à assister à mes concerts. Tant qu'on aimera ce que je fais, j'aurai une raison de faire de la musique.



HHC : En 1998, tu as enregistré un morceau avec Fatal Hussein des Outlawz. Comment cela s'est-il passé ? C'était assez surprenant car on ne peut pas dire que vous soyez issus de la même scène.



T : Je ne vois pas trop en quoi c'est une surprise. C'est ce que tous les artistes du New Jersey devraient faire : établir des connections avec des artistes d'autres régions pour se faire connaître, comme tout le monde le fait. En fait, pour dire vrai, dans ce cas-là, ça s'est fait facilement parce qu'on avait le même manager.





HHC : Ensuite, en 99, après quelques featurings à droite à gauche, tu es réapparu dans le circuit underground avec des maxis tels que 'Trife Type Times', 'Torture Chamber' et 'Raw Dick Shit'. Qu'est ce qui t'a donné envie de revenir sur la scène en solo ?



T : J'avais des titres mortels et les gens voulaient les entendre ! 15 minutes de célébrité, ce n'est pas assez. Joe de Fat Beats m'a demandé si j'avais des morceaux à sortir ; je lui ai filé ceux que tu cites et voilà !



HHC : Comment as-tu eu l'opportunité de bosser avec Eastern Conference ?



T : Je connaissais The High & Mighty depuis un bon bout de temps (ndr : pour la petite info, c'est Mighty Mi alors rédacteur pour The Source qui chroniqua de manière élogieuse le premier album d'Artifacts à sa sortie dans les pages du célèbre magazine). Je suis tombé sur lui un jour et il m'a parlé de son label E.C. Il m'a invité sur certains projets. Puis, un peu de temps après, il m'a offert un deal pour un album.



HHC : Pourquoi as-tu signé avec Eastern Conference en particulier ?



T : Parce que je savais qu'ils me laisseraient libre de créer (sans toutes les interférences et les conneries administratives des autres maisons de disques)… Et j'ai toujours été un énorme fan de Cage.



HHC : Qu'en est-il du "Crazee EP" que tu as sorti l'an dernier sur CD-R et vinyle ?



T : Boom Skwad Recordings. On a tout fait avec notre propre argent. On s'est dit que c'était trop chaud pour que ça dorme dans les étagères d'un label pendant des mois en attendant une date de sortie éventuelle et on a décidé de le sortir en indé.



HHC : Pourquoi as-tu voulu mettre à jour le classique 'The Moment I Feared' de Slick Rick lors de ta prestation sur la compilation "Eastern Conference All Stars Vol. 2" ? Ca a donné un superbe résultat.



T : C'est un hommage personnel à Rick. J'ai toujours adoré cette chanson. Je l'ai enregistré d'un seul trait (sans bidouillage de studio). Du brut de décoffrage dans un style freestyle car personne ne peut sonner comme Slick Rick. Je l'ai fait comme je le ressentais. C'est un titre très enjoué.



HHC : Ta collaboration avec J-Zone sur 'Tame As It Ever Was' était vraiment réussie. Que penses-tu de J-Zone ?



T : Je pense que J-Zone est très talentueux dans de nombreux domaines. Bien entendu, je pense que ses beats sont vraiment fatals ; c'est pour ça que je les ai choisis.



HHC : Comment as-tu choisi les producteurs présents sur ton nouvel album "When Rappers Attack" ?



T : J'ai pris tous ceux qui m'ont présenté des sons qui me plaisaient et qui ne me demandaient pas 850 millions de dollars pour un instru… Je les ai contacté, leur ai demandé un CD de beats et j'ai sélectionné ceux qui me branchaient.



HHC : Pourquoi Cage est le seul invité présent sur ton LP ?



T : Je voulais que cet album soit le mien et pas une compilation des artistes que je connais. Sur le premier Biggie, il n'y a qu'un seul rapper invité. Sur le premier Nas, pareil. Acceptez-moi en tant que soliste. Entendez-MOI… Pas nous…



HHC : Pourquoi ce titre pour ton LP ? Quel sens revêt-il pour toi ?



T : C'est juste un titre marrant inspiré de ces shows télévisés débiles à la "When Animals Attack" ou "When Things Go Wrong"… Le titre n'est pas très profond en fait. C'était juste une petite blague…



HHC : Quels sont les sujets que tu voulais aborder sur ce LP ?



T : En gros, je voulais dire à tous ceux qui me cherchent ou qui au contraire m'ignorent en me considérant comme ce "rapper-graffeur d'Artifacts" que je peux mettre le feu lyricalement… Qu'en tant qu'artiste solo, je DECHIRE !



HHC : D'après toi, quel est le titre le plus accompli de ta carrière ?



T : 'Ingredients Of Time Travel' sur l'album "That's Them". C'est un morceau si différent de tout ce que j'ai entendu jusqu'ici. L'intrumental, les lyrics, la cadence que j'ai utilisée… c'est mortel…



HHC : Question traditionnelle : qu'est-ce que tu écoutes en ce moment ?



T : J'écoute toujours religieusement l'album "Dare Iz A Darkside" de Redman et tous les trucs du Boot Camp. J'écoute aussi beaucoup de cassettes de hip-hop de la période 1992-1997, trop pour que je me lance dans une quelconque liste…



HHC : Quels sont tes projets après la sortie de "When Rappers Attack "?



T : Faire un album du Boom Skwad (mon crew depuis bien avant Artifacts). Travailler encore sur l'album des Weathermen à sortir sur Eastern Conference et enregistrer d'autres titres en solo.



HHC : Y'a-t-il ne serait ce qu'un infime espoir d'entendre un jour un nouveau titre d'Artifacts ?



T : Non.



HHC : Avec ton flow survolté, comptes-tu venir en France pour déchirer nos scènes en live ?



T : Dites aux promoteurs français de me contacter. Faisons en sorte que ça se fasse ! (ndr : avis à tous les lecteurs intéressés)



HHC : Merci beaucoup d'avoir répondu à toutes nos questions. As-tu un message pour les lecteurs de Hip-Hop Core ? Des dédicaces ?



T : Achetez mon album… DEUX FOIS… Soutenez le vrai hip-hop ! Big Up à Ma'D, Super Gagi, Killah Kev, Boom Skwad, Weathermen, Eastern Conference All Stars… Sinon, merci à vous pour vos compliments. J'apprécie votre soutien. One Love.



Propos recueillis par Metalik
et traduits par Cobalt
Questions de Cobalt, Metalik et Blaze
Mars 2003

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