Jurassic 5

Fruit de la réunion de deux groupes coutumiers des soirées réputées du Good Life Café (Unity Committee et Rebels of Rhythm), Jurassic 5 ont été parmi les premiers à faire prendre conscience au public rap de la mini révolution qui se déroulaient au milieu des années 90 dans les confins de l'underground californien, loin du gangsta rap et de ses clichés. Après un "LP" et un "Quality Control" exemplaires, ils nous sont revenus l'an passé avec "Power In Numbers". Groupe majeur du hip-hop actuel qui a su garder toute son identité et sa créativité au sein d'une major, le sextet est passé dans nos contrées le 16 Mars 2003 pour un concert à l'Elysée-Montmartre désormais entré dans les annales. A peine descendus de leur bus, à quelques heures de ce show d'anthologie, Cut Chemist, Marc 7 et Zaakir (Soup) s'étaient entretenus avec nous de manière détendue sur leurs débuts, leur carrière, leur actualité discographique… et sur leur anxiété vis-à-vis de ce concert qu'ils n'attendaient pas si réussi…



Hip-Hop Core : Nous connaissons tous l'histoire de la création de Jurassic 5 mais j'aimerais que l'on remonte un peu dans le temps et que vous nous racontiez plus en détail comment les Rebels of Rhythm et Unity Committee se sont formés respectivement ?



Cut Chemist : Je vais parler du Unity Committee, vu que c'était mon groupe. Peut-être ne le sais-tu pas mais Son Doobie de Funkdoobiest faisait partie de Unity Committee. On était juste une bande de jeunes qui cherchions quelque chose à faire de nos journées. La scène hip-hop était assez petite à LA. J'entends par là que tout le monde connaissait quelqu'un qui en faisait partie et que du coup il était facile de se faire des connections. Chronologiquement, j'ai rencontré Marc 7 puis Chali 2Na puis DJ Nu-Mark. Ils sont venus chez moi. J'ai branché les micros. J'ai appuyé sur la touche "enregistrement" de ma platine K7 et hop, c'était parti ! On enregistrait des tapes qu'on passait à nos potes. C'est devenu une habitude. Dès qu'on avait du temps libre, le week-end ou les jours fériés, on se retrouvait et on enregistrait ensemble. Puis, au bout d'un moment, on a commencé à enregistrer de vrais morceaux pour des démos sur un 4 titres. C'est à peu près à cette époque, dans les années 90, qu'on a rencontré les Rebels of Rhythm. Ils faisaient déjà des trucs de leur côté. On ne se connaissait pas du tout avant mais il s'est avéré qu'on avait le même vision des choses et la même histoire donc il nous a semblé opportun de nous réunir sous une même bannière pour chercher un deal ensemble. On a enregistré des démos, envoyé des K7 à plein de labels…



HHC : Et c'est à ce moment que vous avez enregistré 'Unified Rebelution' pour le compte de Blunt/TVT. Qu'est-ce qui a cloché ensuite avec le label ?



Zaakir (Soup) : En gros, le label ne voulait pas vraiment faire affaire avec nous alors on s'est cassés (et, avec du recul, c'est plutôt une chance de ce point de vue). Ils avaient Mic Geronimo à l'époque. C'était leur star, leur machine à fric, celui sur qui ils comptaient pour faire franchir un palier au label. Nous, ils nous voyaient juste comme un "novelty group". Ils ne voulaient pas nous développer. Ils ont juste sorti le maxi et ils nous dit : "Bye bye"… et, comme tu le vois, on est toujours là alors que Blunt/TVT n'existe même plus.



HHC : C'est suite à cette histoire que vous avez décidé de sortir votre "EP" vous-même de manière indépendante ?



C : Comme Blunt/TVT ne partageaient pas la même vision des choses que nous et ne voulaient pas investir sur nous, on a monté la structure Rumble avec l'argent qu'on avait en poche et on a prié pour qu'ils nous virent, pour qu'on puisse prendre en main les choses. On a espéré quelques temps. Ils nous ont viré ! Le jour d'après, on sortait le "EP" !



HHC : Avec votre "EP", je crois qu'il est juste de dire que vous avez d'abord été connus en Europe et au Japon avant d'avoir une vraie reconnaissance dans votre propre pays. Est-ce que du coup vous ressentez un lien particulier avec le public européen ?



C : C'est clair. Quand Play It Again Sam [P.I.A.S.] nous a offert un deal de distribution à l'international, on a pu faire une vidéo et avoir l'appui d'une structure importante en Europe (ce que nous n'avions pas aux States au début). De ce fait, on a eu une meilleure visibilité chez vous…



HHC : Au départ, qu'est-ce qui vous avez donné envie de revenir aux harmonies vocales à la Cold Crush Brothers ? Etait-ce une façon d'obtenir une réponse du public en live ?



Z : Non, ce n'est pas vraiment pour ça. On voulait juste faire quelque chose qui sonne bien. On ne l'a même pas vraiment fait de manière consciente. Ca s'est imposé de soi. C'est vraiment venu tout seul.



HHC : Cut Chemist, qu'est-ce qui t'a donné envie de ramener les 'Lessons' au premier plan en continuant la série ?



C : Double Dee + Steinski étaient mes héros. J'écoutais beaucoup de disques quand "Lesson 1 : The Payoff Mix" est sorti et c'était vraiment un titre qui se démarquait de tout le reste. C'est devenu une grosse influence pour moi au fil des années et j'ai voulu leur rendre hommage en reprenant le flambeau.



HHC : Tant qu'on y est, pouvez-vous nous dire quels ont été vos premiers contacts respectifs avec le hip-hop ?



Zaakir : Sugarhill Gang - 'Rapper's Delight'.

Marc 7 : Je dirais Disco 3 et Cold Crush Brothers.
Z : Et qui sont devenus les Disco D…
M : Les Fat Boys !

Cut Chemist (poppant sur son fauteuil) : "Robots, please report to the dance floor… boom-tchac boom-boom"
Z : De qui?
C : Midnight Star. Je ne sais pas si c'est vraiment considéré comme un morceau hip-hop mais là d'où je viens ça l'était. Tout le monde poppait dessus et ça m'avait fait halluciner… Ca devait être en 1983.





HHC : Où trouvez vous ces idées originales pour vos pochettes d'albums ?



Z : Ca vient des membres du groupe.

C : La dernière, c'est un show qu'on a fait dans le Kentucky où il y avait des milliers de personnes. On a accolé la ligne d'horizon de Los Angeles au-dessus de la foule pour faire un clin d'œil à notre ville. Avant ça, pour l'arbre de "Quality Control", je te dirai bien d'où ça vient mais ça pourrait nous causer des problèmes alors je garde le secret.



HHC : Passons à "Power In Numbers". Sur ce dernier album, vous avez abordé des sujets plus sombres et profonds qu'à l'habitude (l'esclavage sur 'Freedom' par exemple). Etait-ce un choix délibéré de votre part ou est-ce que les choses sont venues de cette façon tout naturellement ?



Marc 7 : C'est venu naturellement. Bien sûr, avant le début de l'enregistrement, on s'était dit qu'il y avait certains thèmes dont on voulait parler et on voulait élargir notre spectre pour que ce disque soit encore plus important que le précédent… Mais, titre par titre, on s'est plus laissé porter par ce que nous inspiraient les instrumentaux On n'avait pas vraiment conceptualisé notre démarche. On s'est contentés d'enregistrer titre après titre et, au bout d'un moment, on s'est retrouvés à un point où on s'est dit : "Voilà, on a tout en main pour faire l'album".



HHC : Pour une fois, vous avez travaillé avec des producteurs extérieurs (The Beatnuts, SA-RA Creative Partners). Pourquoi ? Pensez-vous réitérer l'expérience ?



Z : Je ne pense pas qu'on le refera à nouveau. Dans le cas présent, c'est juste que les gars avaient de bonnes musiques. On avait envie de poser dessus alors on l'a fait.

C : On voulait étendre un peu notre palette sonore. On avait pensé à bosser avec quelques autres producteurs mais ça n'a pas pu se faire… Tant pis.



HHC : Cut Chemist, quelle est ta science de production ?



C : J'essaie de trouver des sons que personne n'a jamais utilisés. Tu sais, j'essaie juste de garder intact tout l'esprit du beat-digging : trouver des boucles inédites sur des disques durs à dénicher, créer des combinaisons de samples originales…



HHC : J'ai entendu que le beat de 'A Day At The Races' avait été ficelé il y a plus de 10 ans. Est-ce vrai ?



C : Oui. Je l'avais fait en 1992 et j'avais même totalement oublié son existence. Akil ou Nu-Mark, je ne sais plus, en a entendu parler et a décidé de l'utiliser. Sans lui, ce beat serait encore dans ma cave.



HHC : Dans les notes du "Watch My Moves 1990" de Dooley-O, j'ai vu que tu possédais déjà des enregistrements de cet album à sa période de conception. Je voulais savoir si tu avais d'autres classiques de cette trempe qui traînaient chez toi alors que personne ne les a ?



C : J'ai quelques morceaux de Dooley-O qui, à mon sens, sont encore meilleurs que ce qui est sorti. J'ai des trucs de malade. Je compte sortir un CD de démos inédites. J'ai des titres d'Ultimate Force (le premier groupe de Diamond), des titres de Rebels of Rhythm, d'Unity Committee, plein de trucs… J'ai aussi plein de morceaux de groupes dont on n'a pas entendu parler et qui étaient vraiment bons. Je compte vraiment sortir ce projet, ce "Best of Unreleased Demos"...





HHC : Pouvez-vous nous dire quelques mots sur les projets solo qui sont prévus dans le groupe actuellement ?



Z : Chali 2Na et Cut ont des solos qui vont bientôt sortir. Marc 7 et moi allons bientôt être dans des films…



HHC : Oui, j'ai entendu ça. Vous avez vraiment envie de devenir des acteurs à part entière ?



Z : Définitivement. Ce sera mon activité annexe. Et si jamais ça marche, je me casse du groupe. C'est là que je ferai vraiment des dollars (rires). Je crois que Marc aussi a été contaminé par le même virus de l'actorat. Pourtant, au début, il voulait faire de la plomberie, faire du pain, réparer des PC et des trucs de ce genre… (éclat de rire général)



HHC : Cut, tu as fait de nombreux side-projets avec DJ Shadow ainsi que "Future Primitive Soundsession" avec Shortkut. Comptes-tu continuer ce genre de collaborations ?



C : Tout à fait. Avec Shadow, on parle actuellement de faire un troisième album ensemble. Ca n'en est encore qu'au stade des pourparlers mais on compte bien s'y mettre. Actuellement, on est en train de faire un DVD pour "Product Placement" avec des extraits du tour qu'on a fait. Ca devrait sortir dans le courant de l'année prochaine.



HHC : Avez-vous déjà commencé à travailler sur votre prochain album ?



M : Non.

Z : "Power In Numbers" n'est sorti que depuis 5 mois et on a encore plein de concerts à faire pour le promouvoir.

M : En plus, on a tous nos projets en cours… Mais on saura quand sera venu le moment de s'atteler à un nouvel album.

C : Pour ma part, je pense qu'on va quand même sortir quelques sons ici et là dans les prochains mois : des singles ou je ne sais quoi.



HHC : Comment s'est passé le tour jusque là ?



Z : Cool.

M : On a été en Hollande, en Allemagne. On a commencé en Angleterre où on obtient toujours une très bonne réponse du public… Tout s'est super bien passé jusque là.

Z : Mais on verra ce soir. On est curieux de voir. Parce que la dernière fois on n'a pas été très bien accueillis…



HHC : Je vous assure que ça va donner ce soir.



Jurassic 5 (à l'unisson) : On verra.

M : La dernière fois, ils ont ouvert les portes de la salle à 20 h alors qu'ils nous avaient laissé commencé le show à 19h30. Il n'y avait personne à l'intérieur quand on a démarré le concert. Ca puait vraiment…

Z : On nous avait même piqué une table de mixage.

C : Quant à moi, on m'a balancé des pétards au championnat du monde…



HHC : Vous parliez de l'Angleterre. Chali 2Na a enregistré un titre avec Roots Manuva il y a quelques temps. Comptez-vous collaborer à nouveau avec des artistes européens ?



M : Pour être honnête, je dois te dire que je n'ai pas rencontré beaucoup d'artistes européens. Personne n'est venu me dire "Salut, je suis machin de tel crew. Comment ça va ? Ce serait cool si on pouvait faire un truc ensemble"… Les seules fois où j'ai parler avec des artistes anglais par exemple, c'est quand ils sont venus à nos concerts… Mais on n'a pas vraiment parlé de la musique.



HHC : Bon, le temps qui nous était imparti touche à sa fin. Pour finir, est-ce que vous avez un message pour les lecteurs de Hiphopcore.net ?



Zaakir & Marc 7 : On verra ce soir.

C : Nous ne sommes pas tous comme Georges W. Bush. N'allez pas croire que tous les américains sont aussi stupides.

Z : Au fait, est-ce que les gens nous apprécient vraiment ici ? Est-ce que les gens savent qu'il y a un concert ce soir ?



HHC : Je vous assure que plein de monde vous adore ici. La salle sera pleine à craquer ce soir. Ne vous faites pas de souci. En tout cas, merci mille fois pour cette interview et bon show.



Propos recueillis par Cobalt et Blaze
et traduits par Cobalt
Mars 2003

PS : Dans un bref entretien accordée après ce concert magique, Zaakir, tout sourire, reconnut que les doutes du groupe vis-à-vis de ce concert n'avaient pas lieu d'être et remercia chaudement le public français de l'accueil qu'il avait réservé à Jurassic 5. Peace à Jurassic 5.

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