Richy Pitch

DJ résident des renommées soirées Scratch à Londres, Richy Pitch a surpris son monde cette année en établissant une connexion profonde avec la clique américaine du label 7Heads. Après avoir produit des titres pour Asheru & Blue Black et pour J-Live, c'est carrément à son propre mini-album que le britannique a eu droit au sein du label. Un "Live At Home" conceptuel et organique duquel se dégage de très bonnes vibes et qui montre que Richy est un producteur sur lequel il faut compter Outre-Manche. English version



Hip Hop Core : Commençons par le début, quel a été ton premier contact avec la culture hip-hop ?



Richy Pitch : Si tu parles de ma première expérience en tant qu'auditeur, je te dirai que ça doit être quand des cassettes circulaient à l'école. La cassette qui m'a vraiment retournée, c'est celle du LP "The Message" de Grandmaster Flash et tout particulièrement le track éponyme dont les lyrics et la musique m'ont réellement inspiré. Ensuite, il y a eu la période électro avec des groupes comme Jonzun Crew et les très recommandables "Electro" LP's qui sont sortis sur le label Streetsound de Morgan Khan. En dehors de ça, mes premiers contacts avec la culture HH ont été des cercles à l'école où des gamins poppaient au son de la version électro de 'In The Bottle' réalisée par C.O.D. et des soirées où les gosses dansaient sur 'Planet Rock'… A l'époque, je n'y connaissais pas grand chose mais je savais que ce truc était pour moi !



HHC : Quel est le premier album qui t'as vraiment mis une claque ?



RP : Comme je viens de l'évoquer, c'est "The Message". Avec des morceaux comme 'Scorpio', 'The Message' ou 'The Adventures Of Grandmaster Flash On The Wheels Of Steel', on ne pouvait pas imaginer mieux comme introduction à la fois à l'électro, au rap et au turntablism !



HHC : Tu as suivi une vraie éducation musicale (jazz, soul…) dans ta jeunesse. En considérant ton bagage musical, qu'est-ce qui t'as donné envie de choisir le hip-hop plutôt qu'un autre genre musical ?



RP : Disons que ça fait longtemps que je suis impliqué dans le hip-hop et que ma passion n'a fait que grandir au fil des années. A force d'acheter des vieux disques de soul, de jazz et de funk, j'ai réalisé (parfois avec surprise !) que je possédais pas mal des disques d'où venaient les breaks des morceaux de rap. Au fil du temps, après des années passées à écouter de la musique, je me suis dit que je pouvais faire la même chose et j'ai commencé à faire des beats Hip-Hop… Mais n'allez pas penser que je suis là juste pour faire du hip-hop ! Attendez-vous aussi à de la house de qualité, des breakbeats et même de la Drum and Bass de ma part ! Pour moi, l'important c'est de faire de la bonne musique. En fait, j'aimerais atteindre le même statut que des gars comme DJ Spinna ou Kenny Dope des Masters At Work. Je pense que ma production est assez musicale pour que j'y parvienne un jour.



HHC : Comment as-tu appris les techniques de deejaying et quels ont été tes premiers shows ?



RP : J'ai commencé à m'essayer au DJ'ing chez moi vers 1986. J'ai été à l'Université de Londres pour passer un diplôme d'éducation afin de devenir enseignant. A cette époque, j'ai commencé à faire des petites soirées dans des clubs (le plus gros était le "Soul Club" avec environ 300 membres) tout en m'entraînant sans cesse pour acquérir une bonne technique. Mais je ne me suis jamais lancé dans des trucs trop compliqués, j'ai juste tenté de devenir à l'aise dans le mix et le scratch.



HHC : Peux-tu nous dire comment tu es devenu DJ résident dans les soirées mensuelles "Scratch" ?



RP : Et bien, Matt et Rob (organisateurs de cet événement) sont des amis de longue date. Matt et moi, on a bossé ensemble depuis nos débuts. Matt et Rob ont mis en place les soirées Scratch et je suis logiquement devenu résident. Ca se passe comme ça depuis 7 ans maintenant. 7 années remplies de succès !



HHC : Pourquoi t'es tu tourné vers la production ?



RP : J'entendais des mélodies et des beats dans ma tête. J'avais pas mal de samples dans ma collection de disques et je me sentais au point pour me lancer dans la production.



HHC : J'ai lu sur ton superbe site (www.richypitch.com) qu'en plus d'être prof tu es designer. Qu'est ce que tu conçois et est-ce que ces 2 activités ont une influence quelconque sur ta façon de faire de la musique ?



RP : En tant que designer, je travaille pour une compagnie qui s'appelle Habit (www.habitclothing.com). On dessine des fringues de streetwear et de skateboard bien cool. Je leur fait une petite collection une fois par an. Sinon, je continue à être maître auxiliaire de temps en temps dans une Junior School. J'enseigne à des enfants de 7 à 12 ans sur des sujets qui vont de la littérature à l'éducation physique. Après, c'est clair que toutes les activités de ma vie quotidienne (l'enseignement, le DJ'ing, le design…) interagissent entre elles et sur ma musique même si je ne m'en rends pas forcément compte.



HHC : Tes productions sont assez organiques et jazzy. Quelle musique est-ce que tu écoutes ?



RP : Des tas de trucs différents au sein de ce qu'on appelle communément la Black Music. Des albums de jazz et de fusion comme ceux de Norman Conners et Gary Bartz ; des groupes de soul des années 80 tels que Kleer ou Change ; du funk (Parliament, The Meters) ; des breakbeats (Agent K, Jazzanova) ; de la Drum & Bass du style de DJ Hype ou Shy FX et de la house classique (Mr Fingers, Iarry Heard)… mais aussi plein de trucs barrés qui me donnent de l'inspiration pour ma musique. Le jazz est juste une part de mon univers musical mais c'est clair qu'il occupe une place importante. Beaucoup des groupes de rap que j'apprécie ou ai apprécié à un moment utilisent du jazz dans leur production.



HHC : Maintenant que la production est ton occupation principale est-ce que tu trouves encore le temps de passer des heures à fouiller les bacs de disques ?



RP : Bien sûr. Mais maintenant je recherche surtout des disques assez bizarres ou inconnus pour pouvoir y piocher des samples intraçables. Les classiques, je les achète juste pour les écouter ou pour me lancer des petits défis de prod. Assez souvent, je sample juste une note, une corde de guitare, un son de clavier et je la rejoue avec mon sampler. Après je fais souvent appel à des musiciens pour donner un peu de couleur à mes morceaux et pour les rendre plus riches et écoutables. Par chance, je connais plein de musiciens talentueux.





HHC : 2002 a été une belle année pour le hip-hop anglais en terme de qualité. Sans compter ton EP, les albums de Roots Manuva, Aspects ou plus récemment Lewis Parker ont haussé les standards. Quel est ton sentiment sur la scène UK actuelle ?



RP : C'est un sujet qui provoque en moi de fortes réactions. A l'heure actuelle, il y a trop de ragots et de publicité (qu'elle soit bonne ou mauvaise) sur le hip-hop UK alors que tout devrait être jugé sur la qualité plutôt que sur sa provenance géographique.
Il y a définitivement des tas d'artistes talentueux dans notre pays à l'instar de Lewis Parker, Jehst, Mark B & Blade, Vadim, Aspects, Def Tex, The Creators, Skitz, Braintax ou les World Class DJ's (pour ne citer qu'eux)… Mais pour être honnête, la barre pourrait être placée plus haut ! On est arrivés à une étape où il faut que la musique soit remarquée en dehors de nos petites communautés et dans d'autres pays. Quelques-uns des artistes que j'ai cités y sont parvenus, en particulier les DJ's qui ont su utiliser avec intelligence la publicité que peuvent offrir des événements tels que les championnats du monde ITF ou DMC… mais c'est une minorité. En fait, cette situation n'est pas entièrement de la faute des artistes. Ni les médias, ni cette hype autour du rap UK ne nous aident. Tout est devenu si commercial que ça devient vraiment dur de percer. Mais le plus important dans tout ça c'est le second truc que je veux dire.
Dans tous les pays, si tu veux être remarqué tu dois développer une personnalité forte dans ta musique ou avoir un potentiel de star que ce soit derrière des platines, derrière une table de mixage ou derrière un microphone. Roots Manuva est une star. Il a créé son propre son et, dès que tu l'entends sur un micro, tu sais que c'est lui. Dans cette catégorie, tu peux aussi inclure Ty, Rodney P, Blak Twang et Skinny Man, qui possèdent tous un talent brut ET une individualité marquée. Il y a aussi de vrais génies de la production ici (par exemple, attendez-vous à du lourd pour le nouvel album des Nextmen l'an prochain). Mais, encore une fois, pour être remarqué, il faut se créer son propre son et arriver à faire plus d'un titre qui soit mortel. Moi, je me place dans la catégorie de ceux qui ont encore plein de travail à fournir !!!!
J'aimerai aussi entendre plus de titres qui me donnent vraiment envie de danser… Il y a un vrai manque maintenant de ce côté-là. Pour moi, c'est tout l'attrait du hip-hop : bouger la tête et les jambes. Le truc, cependant, c'est que ce n'est pas qu'un problème relatif au hip-hop anglais. Je trouve que Talib Kweli l'a bien résumé sur le titre 'Too Late' : "Nowadays rap artists coming halfhearted / Commercial like pop or underground like black markets".
Peut-être qu'en fait les choses ne sont pas si mal que ça. Il y a de la super bonne musique ici mais j'espère que tu comprends ce que je veux dire… Ce dont on a besoin, c'est des mecs comme les Neptunes qui font des beats qui sont respectés à la fois par l'underground et par la scène pop. Peut-être que mes propos semblent négatifs mais en fait j'essaye juste d'être réaliste et de mettre en avant la manière dont la scène UK doit essayer d'avancer.



HHC : Est-ce qu'il y a des artistes britanniques dont tu te sens proche et avec qui tu comptes collaborer ?



RP : J'aimerais travailler avec tous les gars que je viens de citer. En ce moment, je travaille avec Ty pour mon prochain maxi… qui contiendra aussi 'Day To Day', le morceau avec Apani extrait de mon mini-Lp.



HHC : Il y a beaucoup de producteurs anglais, y compris toi-même, qui ont sorti ces dernières années des projets avec quasi-exclusivement des MC's américains rappant sur leurs beats (cf. Unsung Heroes, The Creators, The Nextmen). Comment est-ce que ça se fait d'après toi ? Est-ce juste un moyen pour les producteurs de réaliser leurs rêves en travaillant avec leurs artistes favoris ou est-ce qu'il y a un problème plus profond au sein de la scène rap britannique ?



RP : Ouais, c'est toujours un truc qui revient sur la table. Parfois, cet état de fait provient simplement de solides liens qui se sont créés avec des labels ou des artistes lorsqu'ils ont visité notre pays et qui ont débouché sur des collaborations. Une fois de plus, c'est une question de talent et pas de provenance géographique. Il y a de bons artistes, aussi bien aux USA qu'ici, mais, en ce qui me concerne, c'est juste que j'ai d'abord établi de vrais liens avec 7Heads… et je n'ai pas à me plaindre vu qu'on a la même optique. Maintenant que les gens en Angleterre sont au courant de mon travail, c'est vrai que j'ai commencé à me faire des connexions ici…





HHC : Maintenant, parlons de l'histoire qui se cache derrière ton mini-album "Live At Home". Qu'est-ce qui a inspiré le concept du disque ?



RP : Disons que, ces derniers temps, les textes de rap évoquent trop souvent des trucs qui ne me touchent pas (les salopes, le pognon, les bijoux, la flambe)… J'ai écouté ça pendant des années (en y prenant parfois du plaisir) mais à un moment j'ai eu envie de faire du hip-hop qui soit vraiment en accord avec moi. Alors j'ai décidé d'utiliser un thème simple voire banal : ma vie à la maison ; parce que j'ai senti que beaucoup de gens pourraient y trouver des points communs avec la leur. J'aime ma vie. Je suis aux commandes et j'arrive à gagner de l'argent en étant créatif à partir d'un truc qui n'était au départ qu'un hobby. "Live At Home" est le reflet d'une journée dans la vie de Richy Pitch à travers ma musique et les textes des emcees talentueux qui rappent sur mes beats.



HHC : Comment s'est présentée l'opportunité de bosser avec 7Heads ?



RP : Tout est parti d'un e-mail que j'ai envoyé à Wes Jackson (boss de 7Heads) en 1999 à propos du titre 'Better' de Unspoken Heard. Je voulais lui demander des détails sur la production du morceau et dans mon mail je mentionnais ma participation aux soirées "Scratch". Wes m'a donnée les détails que je voulais et il m'a demandé si je pouvais m'occuper un peu de la venue en Angleterre de Unspoken Heard, de J-Live et des Lone Catalysts. J'ai dit que je les aiderai… et au final ils ont fait un concert dans des soirées "Scratch" à Londres, à Edinburgh mais aussi à Brighton, Bristol et sur le show de Tim Westwood sur Radio 1. Quand ils sont venus, je leur ai passé quelques beats de ma confection. Wes a eu l'air d'apprécier alors je leur ai envoyé un CD quand ils sont rentrés aux States. Ce disque contenait la version originale de 'Live At Home' et les Unspoken Heard ont fini par l'utiliser sur leur LP "Soon Come…". C'était vraiment comme si mon rêve devenait réalité et ça ne s'est pas arrêté là. En effet, lorsque j'ai expliqué à Wes que ce titre était un concept que je souhaitais développer sur tout un album, il a apprécié l'idée et tout s'est mis en place peu à peu !!



HHC : Je crois savoir que tu es allé à New York pour enregistrer avec les emcees qui sont sur ton projet. Qu'est-ce que ça fait d'être dans un studio avec des rappers de grande classe tels que J-Live, Asheru & Blue Black, Apani B Fly, Mr Complex ou El Da Sensei ?



RP : C'était vraiment super de travailler avec des emcees que je considère comme faisant partie de la crème du hip-hop US. Ce sont tous des personnes intelligentes, sympathiques, faciles à vivre et authentiques donc ça a vraiment été un plaisir de bosser avec eux, mentalement, socialement et musicalement.



HHC : Les textes collent pour la plupart au concept de l'album. Est-ce que tu as donné des lignes directrices aux rappers en ce qui concerne le contenu ou les as-tu laissé libres de dire tout ce qu'ils voulaient ?



RP : Je leur ai donné les beats et j'ai avancé des idées pour chaque morceau. J'avais vraiment réfléchi à la structure globale du projet et ils se sont tous sentis concernés et ont essayé de faire de leur mieux comme tu peux l'entendre sur l'album.



HHC : Le site web qui accompagne ton album est vraiment très créatif. Où as-tu trouvé toutes ces idées ?



RP : J'ai tellement d'idées qui bouillonnent dans ma tête. Je voulais créer sur mon site la même ambiance marrante et terre-à-terre que sur "Live At Home" et je dois vraiment remercier Jess Gorrick (www.graphiconions.com) pour m'avoir permis de donner vie à mes idées. C'est un designer de sites web vraiment doué et il a su apporter plein d'idées tout en restant fidèle aux miennes. Je suis vraiment très content du site… comme de l'album. Ce site colle totalement à ma personnalité, pas de mythos ou de conneries.



HHC : Quels sont tes projets ?



RP : - Un maxi pour 7Heads début 2003 avec 'Day To Day' (featuring Apani B Fly), un remix de ce titre et un nouveau titre avec l'inimitable Ty.
- Un maxi pour le Japon avec un remix de 'The Lyricist', la version originale de 'Live At Home' et un nouveau titre 'In Pursuit Of Richy Pitch'.
- Un 45 tours pour Scenario (le label des Nextmen) en Grande-Bretagne avec le MC ragga Tukka et une version instrumentale spéciale.
- Je travaille avec deux chanteurs pour vous donner la chance d'entendre une version plus contemporaine et Jazz/Dance de mon son.
- Un nouveau LP plus long que "Live At Home" pour Seven Heads.



HHC : Que sais-tu à propos de la scène hip-hop française ?



RP : Pas assez de choses. Je sais que votre scène est énorme alors il faudrait que je me renseigne un peu… On a déjà reçu DJ Cam et le Saïan Supa Crew à Scratch. J'ai aussi vu beaucoup de DJ's français talentueux au DMC. J'ai été interviewé par Radikal et je suis en contact avec pas mal de fans et de DJ's via e-mail. J'apprécie aussi la façon dont vos radios supportent le hip-hop de votre pays… On aurait bien besoin de ça en Grande-Bretagne.



HHC : Est-ce que tu comptes revenir en France bientôt ?



RP : J'ai rien de concret pour l'instant mais j'espère venir chez vous avec 7Heads dans un futur proche pour en savoir un peu plus sur votre scène hip-hop. J'ai fait des soirées en France mais juste pour les fêtes MTV du festival de Cannes, pour "Snowbombing" ou pour des événements relatifs aux skateboard avec Etnies. J'aimerai venir à Paris ou partout où la scène est vibrante.



HHC : As-tu un message particulier pour les lecteurs de Hiphopcore.net ?



RP : Juste un grand merci à tous ceux qui ont supporté et acheté ma musique et à ceux qui ont pris le temps de m'envoyer des messages d'appréciation vis-à-vis de mon premier Lp… Il y a encore plein de trucs à venir. Sinon, big up à Wes, Lamonte, à tous les artistes 7Heads, à Rob et Matt de Scratch et à ma chérie Natasha.



HHC : Bon l'interview se termine. Veux-tu ajouter quelque chose ?



RP : J'aimerai en apprendre plus sur la scène française. Sinon, pour toutes les personnes qui veulent me faire venir en concert ainsi que l'écurie 7Heads, e-mailez moi par le biais de mon site www.richypitch.com (cliquez sur ma business card sur le site) ou contactez Wes Jackson via le site de Seven Heads www.sevenheads.com.



HHC : Ok, merci pour l'interview. Ca a été un plaisir. Bonne continuation.



RP : Merci. Big Up à Cobalt et à Hiphopcore.net !!!!



Interview de Cobalt
Novembre 2002

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