Diplo

Salarié de Big Dada, responsable de plusieurs parachutages retentissants ces derniers mois, en solo ou aux cotés des froggies de TTC, du géant Bigg Jus ou de David Banner - nouvelle coqueluche du dirty south (Like A Pimp), Wes Gully alias Diplo pourrait très vite devenir une des têtes de liste du label de Will Ashon. Quelques semaines seulement après la sortie du premier volet des aventures discographiques d'Hollertronix (combo de DJ's qu'il forme avec Mike "Low Budget" Macguire, sévissant sur les dancefloors de Philadelphie), l'auteur d'Epistemology Suite 12", qui sort ces jours-ci chez Big Dada, a bien voulu répondre à l'interrogatoire d'Hiphopcore. English version



Hip-Hop Core : Tu viens de sortir "Never Scared" avec Low Budget, sur Money Studies. Peux –tu présenter ton comparse et Hollertronix à nos lecteurs ?



Diplo : Low Budget est un autre mec de Philadelphie qui fait des soirées en ville. Il est sympa et on était sur la même longueur d'onde dès qu'on a commencé à faire des soirées ici. On était tous les deux des DJ's de la ville cherchant à satisfaire réellement ceux qui nous demandaient de jouer dans leurs clubs. On s'est bien entendus et on a décidé de ne pas se faire de la concurrence, histoire d'attirer encore plus de monde à Philly. A l'époque, je remplissais le club en jouant tout ce que je voulais et il s'est avéré que c'était surtout de la Dirty South. On a eu l'idée d'Hollertronix du fait que plein de guignols se faisaient du pognon avec les nouvelles soirées "années 80" alors qu'ils ne savaient même pas mixer ou se contentaient de rejouer le même set d'un soir à l'autre. On a juste commencé par mixer beaucoup de Dirty South et de club music de Baltimore, vu que c'était ce qu'on avait l'habitude de jouer dans les boîtes en ville. Mais on faisait aussi ça pour les fêtards. Alors, on avait des disques sous la main pour tout… La soirée est devenue un lieu où on pouvait jouer tout ce qu'on voulait. On jouait pas mal de trucs qui passaient à la radio et le genre de titres qui passent bien en club donc le seul truc créatif qu'on faisait, c'était se bourrer la gueule et couper les tempos en 2. Par exemple, on enchaînait un remix électro de Björk sur un morceau du sud profond très très lent.



HHC : Comment avez-vous échafaudé ce "Never Scared" ?



D : On s'amusait juste à tripatouiller un peu les boutons du sampler et à assembler des sons. Ca semblait logique de sortir un CD. Notre public sortait tellement de l'ordinaire qu'on voulait avoir un peu d'exposition. J'avais ce maxi que Turntable Lab aurait dû sortir dans le cadre des séries 'Money Studies' il y a environ 2 ans; je l'ai juste refait dans un style plus club pour lui donner un contexte et on l'a sorti.



HHC : Hormis cette touche "dirty south" indéniable, "Never Scared" n'est pas le premier projet a mélanger de cette manière les styles musicaux et à prendre à contre pied les règles du mix… Ne crois-tu pas que ce concept a perdu son originalité de départ ? Par exemple, que penses-tu des 2 Many DJ's ?



D: Pour te dire la vérité, je n'ai jamais entendu 2Many DJ's jusqu'à ce que je télécharge un de leurs disques sur Soulseek la semaine dernière. Et je ne trouve pas ça fantastique en fait. J'ai écouté parce qu'on a été comparés à eux dans certaines chroniques. Mais, nous, on ne retravaille pas nos mixes et on n'utilise pas d'ordinateurs. On mixe directement les disques sur place, sans retouche, sans même avoir répété au préalable. Enfin, cependant, c'est clair qu'il a fallu pas mal de prises différentes pour que "Never Scared" soit bien en place. Il y a des rumeurs comme quoi ils sont en train de monter une battle entre eux et nous pour le mois de Janvier. Honnêtement, je suis pour… On les détruirait. Il faut que je réunisse toutes mes idées si ça finit par vraiment se passer (du moins aux USA, parce que, si on les affrontait en Europe, on perdrait probablement…). Au niveau du contenu du mix, il y a des genres de musique que les gens n'ont pas l'habitude d'entendre tout le temps. Je veux dire que le rap down south passe partout à la télé et à la radio mais tu n'as jamais l'occasion de l'entendre en soirée, sauf si tu vas dans des after branchées où tu ne peux pas porter de baskets et où tu dois avoir un 4*4 de luxe pour pouvoir rentrer. Ce CD est une histoire de contexte, mec. C'est tout, et de la musique pleine d'énergie. C'est juste une histoire de contexte.



HHC : A quoi l'éclectisme dont tu fais preuve répond il ?



D : Ca correspond à ce que les gamins veulent entendre, mais je mixe tout à la fois. Je veux dire, tous les gamins aiment la club music de Rod Lee, les trucs de Three-Six Mafia, de New Order et aussi d'ESG. C'est juste de la bonne musique pour danser. De la musique qui donne la pêche. Mais aucun DJ ne parvient à tout jouer à la fois, ou du moins à la faire correctement. A part nous.



HHC : Comment es-tu rentré en contact avec Will Ashon de Big Dada ? Qu'est ce qu'un DJ renommé de Philly doit attendre d'un deal avec un label européen tel que Big Dada ?



D : Quand j'ai rencontré Will, je vivais au Japon où je bossais et essayais de faire avancer un peu les choses. J'ai fait une cassette et un site web du groupe avec lequel je travaillais en Floride : Pinniped Science. Je faisais aussi quelques CD's de beats. Pinniped Science, ce sont toujours mes potes. Le site web était vraiment délirant tout comme la musique que je faisais en étant un gosse en Floride. On enregistrait tout sur K7 et on le transférait de la K7 sur le Akai S20. On séquençait tout le disque là à partir de la K7. Le tout en 30 minutes. C'était dingue, rien que des freestyles et des boucles que j'avais sélectionné au marché au puces le jour même. C'était l'époque où on ne faisait que traîner, écouter des breaks de Floride et du hip-hop et où on peignait des caravanes et des bus scolaires. Enfin, j'ai donc envoyé une démo à Will alors que je vivais au Japon, parce que j'avais vu des pubs dans un magasine et que je me suis dit que ça valait le coup d'essayer. Je l'ai convaincu que j'allais faire du dancehall. Et après, j'ai mis en musique tout ce qui passait dans ma tête à cette époque et ça a donné l'album. "Newsflash" est un truc dancehall cependant, mais j'ai juste continué à faire mon truc et j'ai fini par avoir cette opportunité avec Big Dada en même temps. Je veux dire, si MCA ou Universal m'avait proposé un deal, je l'aurai accepté direct, mais, tu sais, ma musique est trop bizarre pour ça.





HHC : Il y a un large fossé entre la musique de David Banner et le projet NMS avec Bigg Jus et Orko. Ca prouve ta capacité à fournir des sons complètement différents…



D : Pas vraiment… C'est pareil pour tout… Regarde Timbaland, Radiohead ou Björk, ils sont tellement imprévisibles. C'est le genre de personnes qui arrivent avec un son différent pour chaque titre. C'est comme s'ils inventaient un nouveau genre à chaque chanson. C'est ce que je veux être : totalement imprévisible. Pour NMS, ça s'est goupillé parce que j'ai fait quelques concerts en Floride avec Bigg Jus et qu'il m'a demandé un beat. La version instrumentale du titre sera d'ailleurs sur mon disque.



HHC : Qu'est-ce que tu aimes dans le dirty south ?



D : C'est tout simplement la seule musique avec de l'énergie ces temps-ci. C'est vraiment différent. Tout le reste est un peu ennuyeux… sauf quand ça bouge un peu.



HHC : En tant que DJ, est-ce que tu te considères uniquement comme un “amuseur” ou est-ce que ton but est d'éduquer un peu ton public ?



D : En tant que DJ, j'essaie de juste de faire en sorte que les gens restent jusqu'à la fermeture. C'est mon unique but. Mais si j'arrive pour mon set et que des gens sont déjà là en train de se déchaîner et de se bourrer la gueule, je peux généralement commencer à les éduquer à des sons très lents.



HHC : Que connais-tu / aimes-tu de la scène française ?



D : Je connais TTC, ils sont très carrés. J'ai fait un remix pour eux et je les ai vu jouer à New York. Je me rappelle d'autres noms qui ont reçu un peu d'écho ici : NTM… euh… MC Solaar. J'aime vraiment le titre qu'il a fait sur le sample de 'Bonnie & Clyde' de Serge Gainsbourg. J'aimerai bien le remixer un jour.



HHC : Peux-tu nous donner un extrait de ta playlist du moment et une liste de tes disques préférés de l'année 2003 ?



D : Ma playlist du moment, c'est: MIA - “Galang”, Bubba Sparxxx - “Comin' Round”, Roll Deep – “Ice Rink”, The Ends – “Are you from the ends?”, Trick Daddy - “Nann”, Timbaland & Magoo – “Indian Flute, Indian Carpet”, David Banner- “Might Getcha”, Missy Elliott – “Wake Up”, Rosco P. Coldchain – “Hot”, Lcd Soundsystem – I'm Losing My Edge”. Sinon mes disques de l'année sont : 3-6 Mafia - “Da Unbreakables”, David Banner – “Mississippi”, Outkast – “Speakerboxxx/The Love Below”, T.I.-“Trap Musik”, Susheelah Raman - “Love Trap”, Martina Topley – “Bird Equixotic” , la compilation “Chains and Black Exhaust”, Dizzee Rascal - "Boy in da Corner”…



HHC : Un dernier mot ?



D : Tout est question de contexte et de plaisir… et d'aller se promener dans les bois et de se débrouiller avec notre meuf… Et sinon, 2 Many DJ's, arrêtez de me pomper le dard !



Propos recueillis par Kreme & Checkspire
et traduits par Cobalt
Décembre 2003

P.S. : Merci à Etienne et Big Dada.

Si vous avez aimé...

Dernières interviews

News

Chroniques

Articles

Audios

Recherche

Vous recherchez quelque chose en particulier ?

Copyright © 2000-2008 Hiphopcore.net