Concert
Buck 65

Lieu : Le Transbordeur, Lyon, France
Date : 23 Février 2004

Avec sa signature sur Warner, Buck65 est sorti de l'ombre et a connu l'exposition médiatique qu'il méritait depuis un bon bout de temps. Grâce à la plus grande disponibilité de ses premiers disques via la réédition de tous ses anciens albums et suite à la riche couverture médiatique dont il est l'objet depuis la sortie de "Square", le rapper d'Halifax fait désormais partie des artistes les plus en vue du moment.

C'est une chose de vendre des disques. C'en est une autre de remplir la salle du Transbordeur de notre pantouflarde cité Lyonnaise. Après le show correct des General Electrics en première partie, c'est à une assistance d'environ 250 âmes que Buck, fraîchement arrivé sur les lieux, relate le délicat périple Rhodanien qui l'a difficilement mené jusqu'à nous tout en installant rapidement son matériel. Qu'importe les quelques minutes de préparation supplémentaires dues au retard, tout le monde ici semble être venu pour passer une bonne soirée, et Buck le premier, qui, après une courte intro, envoie un 'Wicked And Weird' apte à lancer le show du bon pied. Un début de concert consacré au dernier LP que Buck maîtrise sans problème. Si le public est déjà ravi, il ignore que le meilleur est à venir. Première constatation, les charmes de la voix rauque et profonde de l'artiste ne sont pas réservés aux studios d'enregistrement. Sur scène, la même saveur se dégage de la bouche du Canadien, et ce gage de qualité rassure l'auditoire dès les premières secondes. L'autre atout de Buck, c'est cette polyvalence scratch/rap dont il donne la pleine mesure sur scène. Et la scène il la connaît. Pour preuve, cette facilité à varier les passages aux platines et au micro, dans une configuration parfaitement maîtrisée qui le voit pivoter vers sa mk2 dès que les mots laissent place aux cuts. Aussi à l'aise face au micro que penché sur ses platines (sans casque !), enchaînant les plages sur son MD, Buck fait forte impression. Le seul reproche pouvant être fait est bien celui de la récurrence d'un schéma rap->instru->scratch qui trouve toutefois son salut dans la diversité de ces derniers. Mais si Buck65, a conquit les Lyonnais, c'est aussi qu'il a l'intelligence de théâtraliser ses lyrics face à un public pas forcément bilingue. Multipliant les mimiques, soulignant ses mots de gestes révélateurs, débitant ses textes avec passion, improvisant quelques pas de danse surréels, il parvient à entrer en communion avec son public par-delà la barrière de la langue. En rendant l'accès au sens de ses morceaux quasi immédiat, sa gestuelle participe ainsi à l'interactivité entre lui et le public. Une relation que Buck se complait à entretenir avec humour. En témoignent les mini-sketches parsemés entre les morceaux où on le voit ironiser sur la position scénique de notre Johnny national, entonner quelques phrases de 'Que Je T'Aime', faire le tire-bouchon avec sa bouche ou encore réclamer qu'on ferme la porte des "toilettes pour hommes" (où sont réunis tous ceux que l'abus de bière oblige à une pause pipi) que Buck aperçoit depuis son promontoire. Le tout dans un français d'une maladresse charmante.

Après une demi-heure quasiment consacrée à "Talkin Honky Blues", Buck assène quelques classiques comme 'Pants On Fire' ou 'The Centaur' (l'occasion pour lui de vérifier que ce dernier demeure incontestablement son morceau le plus populaire). Après une heure passée en notre compagnie la symbiose est totale entre l'ex-Anticonien et son public. En milieu de show, il se laisse même aller à quelques interventions aux platines d'une technique suffisante pour faire réagir un public surpris par tant de polyvalence. Le sourire jusqu'aux oreilles, Buck s'éclate sur scène et tient à faire partager son plaisir de jouer en France en testant ici quelques-uns de ses nouveaux morceaux. La réaction ultra positive à ceux-ci n'a pu que conforter Buck65 dans ses certitudes d'artiste libéré. Même si certains, totalement rock, voire même folk-rock, ont confirmé les nouvelles orientations de l'artiste (ou du moins l'importance de plus en plus assumé de ces influences), le résultat a parut convaincre tout le monde, jusqu'aux plus hip-hop de ses fans.

Après une heure et demi d'un show habité, Buck disparaît au fond de la salle avant qu'un prévisible et bruyant rappel le fasse rappliquer aussi sec pour plus de vingt minutes supplémentaires. Le dernier morceau achevé, Buck pose un disque sur la platine et laisse tourner un vieux morceau country de circonstance avant de venir embrasser la gente féminine dans l'assistance et de signer quelques autographes. Accessible, sympa, Buck répond par un geste et une parole à tous ceux qui l'abordent. De quoi finir de nous séduire.

La tonalité de Western moderne que Buck65 semble vouloir donner à sa musique a donc indiscutablement remporté un vif succès, le temps d'un live bluffant de maîtrise et de punch qui a révélé un personnage doué et attachant qui sait rendre grâce à son travail là où il l'expose. Un pari que relèvent, somme toute, très peu d'artistes rap étiquetés "abstract". Ce vrai succès encouragera peut-être, on l'espère, les programmateurs Lyonnais à ne plus attendre les signatures en major pour faire venir les artistes de cette trempe.

Checkspire et Cobalt
Mars 2004

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