Portrait
Marley Marl



S'il y a un producteur à connaître et dont l'on doit se souvenir en tant que précurseur du beatmaking, c'est bien Marley Marl. Ce pionnier, trop longtemps sous estimé, sera vite une grande inspiration pour les producteurs les plus plébiscités actuellement à savoir Dj Premier ou Pete Rock. DJ Premier n'a-t-il pas déjà affirmé maintes fois que sa formule à succès trouvait toutes ses sources dans une des productions de Marley, à savoir 'Nobody Beats The Biz' ? Membre fondateur du Juice Crew, ceci n'empêcha pas Marley de multiplier ses collaborations et de révéler une panoplie impressionnante de stars actuelles. Tout le monde veut rencontrer Marley Marl, sa renommé au sein du rap est énorme…

Marlon William, natif du Queens, commence aux côtés de Fly Ty et Mr. Magic en animant un show sur WBLS radio. Très vite il sort ses premières prods sous le pseudo de Mr. Square et fait la connaissance de Roxanne Shanté. Elle sort un 'Roxanne Revenge' qui la catapulte au sommet. La carrière de Marley Marl est alors lancée et les coups de téléphone fusent de toute part avec des collaborations à la clef. Devenu influent dans l'industrie rapologique, il donne sa chance à son compagnon de route MC Shan. La légende veut que les 2 hommes se soient rencontrés alors que Shan tentait de voler la voiture de Marley Marl… Malgré cet incident, une réelle amitié voit le jour entre les 2 hommes et, lorsque MC Shan sort 'Down By Law', Marley Marl devient incontournable sur la scène new-yorkaise.

Avec l'aide du label Cold Chillin', Marley Marl commence alors par abattre ses cartes et par produire entièrement les albums de ses autres protégés. Il fait d'abord connaître au public Biz Markie (à ses débuts seulement âgé de quatorze ans). Ce dernier débute en beat-boxant dans les premières parties des concerts de Roxanne pour au final intégrer le Juice Crew et lui donner quelques-uns de ses meilleurs moments avec l'album "Goin' Off". Dans l'ombre de Biz Markie, lui écrivant nombre de ses textes, se cache le King Asiatic Nobody's Equal mieux connu sous le pseudonyme de Big Daddy Kane. C'est donc logiquement que BDK et son DJ Mister Cee qui se connaissent déjà bien seront les prochains à venir se ranger au sein du crew de Juice (surnom de Mr. Magic qui donnera naissance au nom du groupe). En 1988, lorsque "Long Live The Kane" atteint les bacs des disquaires, BDK se voit acclamer comme l'un des meilleurs emcees en activité. Porté par ce nouveau leader, le Juice Crew est alors au sommet de la pyramide rapologique et est considéré comme le crew dominant. Dans la foulée, Eric Barrier et William Griffin Jr alias Eric B et Rakim viendront demander conseil à Marley Marl. Celui-ci s'implique alors dans la génèse des classiques 'Eric B Is President' et 'My Melody'.

A l'aide de la renommée de l'émission Rap Attack, Mr. Magic et Marley Marl découvrent un nouveau talent nommé Masta Ace. Masta Ace gagne 6 heures de studio en compagnie de Marley Marl à l'issue d'un concours de rap dans le Queens. Impressionné par le talent du jeune Master Ace, Marlon lui produira deux titres qui figureront sur le fondateur "In Control Volume 1", faisant ainsi émerger Masta Ace. Avec "In Control Volume 1" sorti en 1988, on peut dire que Marley Marl met définitivement sur le devant de la scène les producteurs en livrant le premier véritable album de producteur tel qu'on le connaît aujourd'hui. Officialisant l'utilisation des samples et étoffant au cours de sa carrière les techniques de production, il est le producteur qui fait définitivement rentrer le rap dans sa forme moderne et lui donne ses lettres de noblesse. Mais, après quelques temps, le Juice Crew est en perte de vitesse, dépassé par la nouvelle vague d'artistes qui déferle sur la Big Apple…

Dans les germes de la chute du Juice Crew se trouve bien entendu le beef avec KRS-One. En 86, inutile de dire que l'influence Marlonesque sur les emcees de l'époque est terrifiante et que tout le monde veut s'approprier ses talents. Tout le monde, jusqu'à ce qu'une personne répondant au blaze de KRS-One, fidèle représentant du Boogie Down Productions sorti tout droit du South Bronx, vienne rencontrer Mr. Magic dans les bureaux de Cold Chillin' Records, déjà fondé à l'époque, pour lui présenter une démo de lui et de son groupe. Lorsque Mr. Magic l'envoie balader en lui disant que le niveau du BDP est bien en dessous de celui du Juice Crew et qu'il devrait abandonner car il ne fera pas l'affaire, KRS-One, vexé, n'attend pas longtemps pour enregistrer son titre dévastateur où il prend pour cible tout le Juice Crew j'ai nommé 'The Bridge Is Over', réponse ironique au 'The Bridge' de Mc Shan. Le beef est ressentit dans toute la big apple et le BDP fait donc de l'ombre au Juice Crew qui se retrouve vaincu après plus d'un an d'acharnement discographique. Si le Juice Crew parvient à maintenir sa popularité pendant un temps, les attaques portés par BDP entameront sérieusement sa crédibilité…

Cependant, les projets continuent de s'empiler pour Marley Marl et la qualité reste. Avec l'aide de Marlon, un autre duo légendaire lancera ainsi un premier album d'anthologie "Road To The Riches", une fois de plus intégralement produit par Marley. On parle évidemment ici de DJ Polo et Kool G Rap. Marley donne ensuite sa chance à un des fidèles soldats du Juice Crew : Craig G. Puis il permet à Masta Ace de prendre son envol en produisant l'intégralité de "Take A Look Around". Enfin, il permet au très enragé et engagé Intelligent Hoodlum (mieux connu aujourd'hui sous le patronyme de Tragedy Khadafi) de se faire connaître.

Alors que l'aventure du Juice Crew touche à sa fin, Marley trouve une seconde jeunesse en redonnant des couleurs à une autre légende du rap en perte de vitesse : LL Cool J. S'il a déjà produit pour des artistes extérieurs au Juice Crews (Heavy D notamment), son duo avec LL fera grand bruit. Car "Mama Said Knock Out" est incontestablement le meilleur album de LL Cool J et on peut dire que Marley Marl y est pour beaucoup car, encore une fois, il produit tous les titres du disque et sait donner la couleur hardcore qui remettra LL en selle pour dix nouvelles années.

Au début des années 90, le raté "In Control Volume 2" signe définitivement la fin du Juice Crew. Peu de temps après, Marley Marl annonce qu'il quitte le label se plaignant de ne pas être assez payé pour tout le travail qu'il y fournit. Il commence alors à produire ailleurs et donne la vedette à quelques groupes comme Lords Of The Underground, Da Youngsta's ou plus tard Screwball. Chemin faisant, il fait connaître le talentueux producteur K-Def (du groupe Real Live) et se lie d'amitié avec Pete Rock. Après un procès de longue haleine, il récupère la propriété des masters de chez Cold Chillin' et continue d'apporter son soutien à Heavy D, aux Untouchables, à LL Cool J mais aussi à de jeunes rappers du Queens comme Noreaga. Il rencontre aussi des stars comme Flavor Fav, Terminator X, Slick Rick et Run-DMC sans jamais parvenir à atteindre une notoriété identique à la leur. Si, dans la seconde moitié des années 90, il a mis en veilleuse ses activités de producteur pour se concentrer sur la radio, Marley Marl nous est revenu en 2001 avec un bon "Re-Entry" pour le compte du label BBE qui a montré que malgré les années Marlon Williams restait toujours actif et doué aux manettes.

Au final Marley Marl reste underground et, pour preuve, il continue a animer son émission sur Hot 97 avec Pete Rock faisant encore et encore découvrir des emcees de l'ombre au contraire de toutes les autres radios ou chaînes capitalistes ne faisant que glorifier les "hip-pop stars". Si le hip hop survit, c'est justement grâce aux instigateurs que sont Marley Marl au même titre que KRS-One et tant d'autres qui resteront à jamais de véritables héros défendant les vrais valeurs de cette musique en restant fidèle au milieu underground qui est, je le rappelle, l'authentique voix de cette culture.

Rikem et Cobalt
Avril 2003

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