Portrait
Mark The 45 King

Certaines personnalités qui ont écrit les plus belles pages de l'histoire du Hip Hop n'ont pas besoin de s'affubler d'un masque de métal pour protéger leur tranquillité des exactions de fans inopportuns. De statut de producteur mythique, le nom de Mark the 45 King s'est progressivement effacé des mémoires des B-Boys, pour rejoindre le gouffre médiatique dans lequel ont élu domicile Greg Nice, Just Ice, Schooly D et la cohorte d'activistes qui n'ont pas su profiter d'un clash savamment orchestré, ou d'une fusillade, pour rester sous les feux de la rampe. Il fait parti de ces concepteurs sonores largement influencés par la période Old School, qui cherchaient et trouvaient leurs boucles au fond des bacs de disques.

Mark James a vu son existence bouleversée par l'audition de 'The Message' de Grand Master Flash. Comme beaucoup d'amateurs de funk déçus par l'évolution du mouvement, il va trouver dans la culture Hip-Hop un moyen de prolonger l'esprit des pionniers. Il fait ses premiers pas de DJ au milieu des eighties. Son surnom s'est imposé naturellement au vu de sa dextérité à puiser dans des 45 tours occultes des boucles imparables pour concevoir ses beats et ses mixs. En 1987, il publie "The 900 Numbers EP". Sur le titre éponyme, Mark sample une mesure, devenue légendaire depuis, tiré de 'Unwind Yourself' de Maria Withneys. Lakim Shabazz y fait des prouesses au micro et sur la face B, Ced Gee d'Ultamagnetics Mc's, un collègue de label, se fendra d'un remix. La flamboyance de la production marquera les esprits de nombreux B-Boys et des dirigeants du mythique label Tuff City records créé par le godfather of rap, Spoonie Gee. Ils offrent au jeune prodige un juteux contrat et distribuent le EP à une plus grande échelle. Après cette introduction, son deuxième mouvement visant l'infiltration du Rap Game sera la réalisation de l'album de son crew "The Flavor Unit" qui regroupe, entre autres, Markie Fresh, Lakim Shabazz, Chill Rob G et Queen Latifah. Mark ambitionne de mettre sur orbite artistique ses protégés, à l'instar de Marley Marl avec les membres du Juice Crew. "Master Of The Game" n'aura pas le même destin que le premier volume de "In Control", et ceci malgré la présence du titre 'Black is Back', un des hits de l'année 1988. La faute en incombe à la faiblesse des moyens de Tuff City, plus qu'à la qualité de la production du disque et du talent des rappeurs. Mark se construit néanmoins une solide réputation de beatmakers. Les membres de Gangstarr firent appel à ses services pour produire quelques morceaux de "No More Mr. Nice Guy" dont 'Movin'on', 'Gusto' et 'Knowledge'. Le succès tant espéré arriva avec les premiers efforts solo de Queen Latifah. Son album "All Hail The Queen" sorti en 1989, sur lequel se sont penchés KRS-One, Daddy-O, Prince Paul, Monnie Love et De La Soul, offre à sa génitrice la reconnaissance et le respect du milieu. Mark the 45 King n'y produit que quelques titres, mais son nom est sur toutes les lèvres. Il impose une méthode de production faite de plusieurs strates de son agencées harmonieusement, auxquelles il ajoute des lignes de cuivres puissantes qui sont parfois jouées live. Jusqu'à la fin de l'année 1990, il va connaître une véritable frénésie artistique qui va le conduire à enregistrer les albums de Chill Rob G ("Ride The Rythm") et Lakim Shabaaz ("Pure Rightneousness"), à réaliser des remix pour Salt-N-Pepa ('My Mic Sound Nice'), Eric B & Rakim ('Microphone Friends' et 'Let The Rythm Hit'Em') et Digital Underground ('Packet Man'), et à composer des beats pour Markie Fresh, X clan et King Sun. Il est alors au sommet de la Hype.

La carrière de Mark The 45 King va prendre un tournant particuliers au cours des premières années de la décennie suivante. Sorti en 1990, le deuxième album de Lakim Shabaaz, "The Lost Tribe Of Lakim Shabaaz" connu un succès équivalent au "Constipated Monkeys" de Kurious, 4 ans avant la parution de ce dernier. Comme son cadet, il alimente depuis les rêves les plus fous des cratediggers. Le Flavor Unit Crew ne résista pas à l'épreuve de la baisse de notoriété et commença à se désagréger. Tuff City Records va trouver le moyen de capitaliser sur ses artistes, avant la défection complète du groupe, en sortant "The Original Flavor Unit" qui regroupe des démos enregistré en 1989 et même avant. Queen Latifah avec les Jungle Brothers, A Tribe Called Quest, De La Soul et Monnie Love, devint un des pivots du collectif Native Tongue. Elle rompit son contrat avec Tommy Boy et, par la même occasion, ses liens avec Mark. Ce dernier en profita pour brûler ses démons dans les volutes de la poussière d'ange. Son addiction, en plus d'enrichir les collègues de Nino Brown, lui valut de perdre un contrat en or avec Warner. Suivant une règle immuable du Hip Hop, Mark mit moins de temps à perdre sa notoriété qu'à la construire.

Sa visite des différentes strates de l'enfer ne sera perturbée que par sa rencontre avec Diamond D, au début des années 90. A l'époque, Mark officiait encore aux platines lors des shows de Queen Latifah. Au cours d'un concert au Hunter Collège de New York, Mark se rendit responsable de l'explosion du mercure des thermomètres installés dans la salle en jouant 'Gotta Get Some' de Melvin Sparks. Diamond D, présent dans l'assistance, fut surpris qu'un autre DJ connaisse l'existence de ce morceau et de son break impeccable (qui en font un digne descendant du titre 'Apache' d'Incredible Congo Band). La fin du set fut marquée par une discussion animée sur l'art du sampling et de la production entre le membre du DITC naissant et l'ex-chef d'orchestre du Flavor Unit Crew. Au moment où les disques produits par Mark The 45 King rejoignaient les bacs à 1 Dollars, Diamond D lui confia le remix de 'The Best Kept Secret' en 1992, et se servit de son expérience des studios pour faciliter le travail d'enregistrement de ses propres productions.

Sorti de la spirale autodestructrice dans laquelle il s'était engluée, Mark abandonne ses anciennes relations et se lance dans la réalisation de séries de BreakBeat. Tout en continuant à alimenter le catalogue de Tuff City Record, il crée son propre label, 45 King Records. Les sorties se succèdent aussi rapidement que le débit de parole des Fu-Schnikens. Rien qu'en 1993, il lance deux séries, "The Lost Breakbeats" et "Straight Outta Da Crate", qui comprendront respectivement 3 et 5 volumes. Il réalisera ensuite "Breakmania", "Breakapalooza" et les "Series Killer Beats", entre autres, qui auront un succès d'estime important auprès des DJs. En plus de faciliter le travail de ceux qui dans l'ombre font vivre notre culture, il co-anime ponctuellement l'émission de Garth Trinidad sur KCRW.

1997 est l'année du grand retour de Mark The 45 King dans les enceintes des GhettoBlasters. CLR records un label indépendant New-Yorkais produit et distribue "Beats Dont Fail Me Now", un EP qui ne marquera pas le Billboard mais qui laissera une empreinte indéniable dans les esprits de producteurs avisés et de Mc's en manque de bons beats. Champain, une artiste à la trajectoire éphémère, lui permit de retrouver ses marques dans la conception de son pour des rappeurs en lui confiant la réalisation de son EP éponyme paru chez Tuff City Records. Jay-Z, en lui offrant la possibilité de produire le titre 'Hard Knock Life (Ghetto Anthem)' sorti en 1998, lui permettra d'inscrire de nouveau son nom dans les pages des livres d'histoire du Hip Hop. La même année Peanut Butter Wolf, toujours prompt à offrir du travail aux anciennes gloires tombées dans les oubliettes, lui proposera de remixer 'Run The Line' un morceau paru à l'origine sur "My Vinyls Weight A Ton". Il travaillera aussi pour Common ('Car Horn') ou Graig Mack ('The Wooden Horse', un White Label). Mais, ironie de l'histoire, c'est grâce à Dr Dre et Eminem qu'il réalisera ses rêves de fortune non assouvies à la fin des années 80. En se rendant coupable de l'habillage sonore de 'Stan', Mark The 45 King va contribuer à la croissance de la renommée des deux acolytes, en plus de celle de Dido. Par contre, l'évocation du nom du producteur réel ne suscite aucune éveil mémoriel de la part du fan moyen des deux éleveurs de rappeur en batterie.

Mark The 45 King a connu une époque, la fin des années 80, ou les arcanes du rap business n'étaient pas encore totalement dominés par les rappeurs vedettes, et les Djs seulement cantonnés au rôle de faire valoir. Certains producteurs agissaient comme de véritables chefs d'orchestre, et du maniement de leurs baguettes, ils faisaient les carrières et conditionnaient la réussite artistique, et parfois même commerciale, d'un disque. Que serait devenus Trugoy, Maseo et Posdnuos si Prince Paul n'étaient pas tombés sur la démo de 'Plug Tunin'' ? Ils auraient sans doute connu le même destin que Son Of Barzek dont l'album, produit entièrement par le Bomb Squad, en avait fait pourtant un des espoirs de l'année 1991.

MelloW
Août 2003

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