Busdriver
RoadkillOvercoat

Si on était un peu méchant, un peu taquin, on dirait de la scène underground Californienne qu'elle a généré un tas de talents incroyables, incapables de signer le moindre long format digne de passer à la postérité de la musique rap. Aucun objet sonore qui puisse témoigner indiscutablement, sur la durée d'un album, des qualités si souvent entendues à Los Angeles et alentours par l'un ou l'autre de ses représentant les plus éminents. Si on voulait être plus précis, on ciblerait un peu mieux les personnalités géniales que les micros californiens ont vu pousser et dont on attend toujours l'œuvre intemporelle gravée à jamais comme LE témoignage d'une génération dorée de emcees… Awol One, 2Mex, Radioinactive, Myka 9, Subtitle, Eligh, Existereo, Aceyalone, Scarub... les noms s'égrainent. Celui de Busdriver a sa place en tête de liste. Busdriver, évidemment. Le rappeur le plus intrinsèquement doué qu'ait généré le Project Blowed. Racé, unique, tonique. Celui qui dépassait tous les autres d'une tête sur les projets estampillés Afterlife. Le mec dont on réécoute des dizaines de fois le couplet sur l'album de ce type dont on a oublié le nom.

Pourtant, comme d'autres, Busdriver a souvent usé de ses talents de façon désordonnée. Connu et reconnu pour son flow hors du commun, le bonhomme en a trop fait. En en mettant plein les oreilles de l'auditeur, en impressionnant son monde 20 plages durant, il a parfois fait de ses albums solo d'immenses battles dont on sortait vaincu, bluffé, et fatigué. Ce constat, Bus' semble l'avoir lui aussi fait depuis "Fear of a Black Tangent", et l'ambition de ce "RoadKillOvercoat" semble, après écoute, assez claire : garder la substantifique moelle, éliminer le superflu tout en gardant le super flow.

Dès le premier couplet de 'Casting Agents And Cowgirls' on retrouve la fougue d'un Busdriver enjoué. Un début d'album plein de répondant qui lance les hostilités de façon délicieuse. Si l'alchimie avec les beats de Nobody et de Boom-Bip n'allait pas de soi sur le papier, les deux morceaux initiaux sont de nature à balayer les doutes. 'Less Yes's More No's' et son beat syncopé donne l'occasion à Bus' de faire admirer sa palette rapologique sur un thème musical coloré. Même tonalité souriante pour les très réussis 'The Troglodyte Wins', 'Secret Skin' et 'Pompous Posies! Your Party's No Fun' (qui n'est pas sans nous rappeler les ambiances bon enfant de The Weather). Les refrains aux relents de pop ensoleillée donnent des respirations bénéfiques à l'ensemble.

De pop music et de soleil, il est question avec le hit de l'album, 'Sun Shower', morceau symbole des intentions acidulées de ce "RoadKillOvercoat". Entraînant, lumineux, avec ses accents à la Supertramp... Léger mais pas sirupeux et habilement placé à mi-chemin du disque, il apparaît clairement comme LE sommet.

Mais le voyage à travers "RoadKillOvercoat" ne s'arrête pas que dans les gares ensoleillées. '[Bloody Paw on the] Kill Floor' fait ainsi dans le rap plus direct et dans l'efficacité. Sur un fond sonore assez inquiétant, Busdriver se fait plus agressif, toujours avec la virtuosité qui caractérise le bonhomme.

De fait, on avance facilement, avec plaisir, et sans jamais s'ennuyer, à travers les 12 plages de cet album ramassé, aux lyrics souvent légers et imagés et aux productions très (trop?) soignées. On écoute Busdriver rimer et on sait déjà qu'on va revenir sur un, deux, trois, quatre morceaux marquants dès l'écoute terminée. Chacun y trouvera sa (ou ses) perle(s)… et c'était bien là la volonté de Busdriver : un album plus abordable, plus souple, sans doute, que l'ont été tous les précédents. Mais un album qui ne transige pas pour autant avec l'exigence de générosité et de créativité qu'il s'est toujours imposé.

En fait, le seul bémol, c'est que ce disque a le défaut de sa qualité : il sonne très, presque trop, professionnel et maîtrisé, venant de la part d'un artiste foutraque dont le charme réside aussi dans l'effort de concentration et de tri auquel il nous force souvent. Finalement, on prend tous du plaisir à décortiquer nos crevettes avant de les manger.

Checkspire
Juillet 2007
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Label: Epitaph
Production: Nobody, Boom-Bip, Busdriver.
Année: 2007

01. Casting Agents and Cowgirls
02. Less Yes's, More No's
03. Kill your Employer [Recreational Paranoia Is the Sport of Now]
04. Ethereal Driftwood
05. Secret Skin
06. Sun Shower
07. Go Slow (feat. Bianca Casady)
08. The Troglodyte Wins
09. Pompous Posies! Your Party's no fun
10. [Bloody Paw on the] Kill Floor
11. Mr. Mistake (Bested by the Whisper Chasm)
12. Dream Catcher's Mitt

Best Cuts: 'Sun Shower', 'The Troglodyte Wins', '[Bloody Paw On The] Kill Floor'.

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