Busdriver
Cosmic Cleavage

Depuis quelques temps, on ne reconnaît plus Daddy Kev. Fondateur à la fin des années 90 de la maison Celestial et du label Vortex Recordings, le californien aux multiples casquettes (producteur, mixing engineer, designer…), alter ego régulier d'Awol One (avec qui il a notamment cosigné les classiques "Souldoubt" et "Number 3 On The Phone"), rouage essentiel de la machine westcoast underground a, comme qui dirait, entamé un virage artistique. Et ce depuis "Slanguage", énième collaboration avec le shapeshifter Awol One sur laquelle il inaugurait, l'an dernier, sa nouvelle panoplie d'explorateur jazz-rap, épaulé par l'inclassable turntablist D-Styles.

Comme pour confirmer cette métamorphose, Kev récidivait quelques mois plus tard avec "Sound Advice", petite pièce expérimentale concoctée avec The Grouch (et toujours D-Styles), qui dépassait son prédécesseur par une meilleure répartition des rôles (sur "Slanguage", Awol One brillait par sa transparence), un contenu bien plus dense (le tout était concentré sur 11 plages) et une alchimie plus convaincante. Nous étions donc en droit d'attendre beaucoup de ce "Cosmic Cleavage", annoncé depuis plusieurs mois et édité en février dernier par les européens de Big Dada.

Il faut dire que Busdriver, invité par Daddy Kev sur cette nouvelle galette, nous apparaissait comme le MC le plus à même de mettre en valeur les expérimentations d'un producteur en pleine transmutation. D'autant que, depuis l'enthousiasmant "Temporary Forever" et plus encore après le séminal "The Weather", le fantasque et imprévisible Busdriver semble inébranlable. D'ailleurs, aucun auditeur de bonne foi et doté d'appendices auditifs en état de marche ne devrait remettre en cause le talent du MC angelino après l'écoute de ce "Cosmic Cleavage". Car, comme sur son dernier solo et les productions compliquées de Daedelus qui parsemaient les plages de "The Weather", Busdriver est irréprochable, toujours armé de son flow acrobatique et extensible, de ses rimes tentaculaires et de ses punchlines à rallonge.

La prestation de Daddy Kev n'est pas aussi inattaquable. Délaissant les expérimentations electro-jazz-rap qui ponctuaient "Sound Advice" au profit d'un jazz souvent feutré et trop moelleux ('Nagging Nimbus') ; préférant les boucles vieillottes ('Unnecessary Thinking') au free jazz avant-gardiste de certaines plages de l'opus précédent ('Dollars For Not'), Kev ne convainc que très rarement, s'appuyant le plus souvent sur le potentiel du emcee convié pour tenir la baraque et éviter le soporifique. On avait constaté une nette progression entre "Slanguage" et "Sound Advice" dans la démarche de Daddy Kev, la plupart des dysfonctionnements et anachronismes du premier ayant trouvé une réponse avec le second. Mais l'irrégularité de ce nouveau volet nous amène à nous interroger sur la nouvelle direction artistique de l'auteur de "Lost Angels". A moins que "Cosmic Cleavage" ait été enregistré avant la collaboration avec The Grouch…

On notera malgré tout quelques bons moments ; 'Cosmic Cleavage' avec son sample cartoonesque et son refrain chanté (en revanche, après de multiples écoutes, je n'arrive toujours pas à comprendre la mention "featuring Awol One"), 'Beauty Supply And Demand' (qui doit beaucoup au marathon de Busdriver, je vous l'accorde) et l'inspiré 'Rap Sucks', l'une des rares compositions à la hauteur des élucubrations du MC ("I don't love hip hop. I don't even like it. Let me break it down into its smallest form for everyone in your college dorm. I don't love it. I don't dedicate hours everyday to writing sappy poetry in its name. Okay, maybe I do.”). Dans l'ensemble, l'apport de D-Styles (même si l'Invisibl Scratch Pikl est moins présent que sur "Slanguage") n'est pas négligeable, l'auteur de "Phantazmagorea" allant même jusqu'à sauver quelques productions du ravin ('Beauty Supply And Demand', 'Stride Pianist Penis Envy').

Au final, ce "Cosmic Cleavage" ne répond pas à toutes les attentes placés en lui. Malgré un Busdriver toujours aussi habile et un D-Styles entreprenant, il est trop inégal, parfois ennuyeux (pourtant, il ne dure qu'une petite demie heure) et pointe du doigt les limites de la fusion jazz-rap, genre que Daddy Kev ne paraît pas être en mesure de révolutionner.

Kreme
Avril 2004
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Label: Big Dada
Production: Daddy Kev
Cuts: D-Styles
Année: Avril 2004

01. Pool Drowning
02. Nagging Nimbus
03. Cosmic Cleavage (feat. Awol One)
04. Stingey Lover
05. Kev's Blistering Computer Tan And Driver's
06. Unnecessary Thinking (feat. Abstract Rude)
07. Beauty Supply And Demand
08. She-Hulk Dehorning The Illusionist
09. Stride Pianist Penis Envy
10. Purple Shards
11. Rap Sucks
12. Staring At The Sun

Best Cuts: 'Beauty Supply And Demand'.

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