Lil Wayne
Tha Carter III

"If you don't love me, somebody else will" : ce vers apparemment anodin d'un refrain de l'album en dit pourtant long sur la personnalité de son auteur. A 25 ans, Lil Wayne est à la fois très exposé et sûr de lui, au centre des regards et hypnotique. Le rappeur des quartiers chauds de la Nouvelle Orléans nous arrive, le quart de siècle tout juste fêté, avec une livraison qui a déjà tout du bilan, depuis son côté somme jusqu'à ses ressemblances avec une fin de soirée plus qu'arrosée. Avec "Tha Carter III", il continue de creuser se veine personnelle (son vrai nom est Dwayne Michael Carter, Jr.) et le fait sans ambages. Ce disque, l'un des plus attendus depuis longtemps, est aussi curieux que sa pochette : frais comme un recueil d'été, chargé comme une parka à fourrure.

"First came the hurricane, then the rising sun" : tour à tour penseur, docteur, sauveur, noceur et libérateur, Lil Wayne se place au centre de tous ses titres comme un gourou de lui-même et de l'amour purificateur. Etre sorti de la rue pour utiliser ses deux majeurs dressés en guise de bâtons de pèlerin : ce n'est pas l'image la moins farfelue que l'on peut retenir de l'homme et de sa vie-son œuvre. Comme il le dit au cours du morceau introductif '3 Peat' (référence aux rares équipes capables de tripler une victoire en championnat) avec un crescendo qui impressionne par son rapport économie de moyen / effet décuplé, l'argent vieillit et a besoin d'être rajeuni par la puissance incendiaire de freestyles touchés par la grâce.

"I got a lot of tattoos and I mean every tear" : le couplet qui clôt 'Let The Beat Build', sur fond de ballade à la manière de feu Jay Dee (ouvragée par Kanye West), est l'occasion pour Lil Wayne de rappeler à quel niveau il se situe dans la galaxie des emcees, lui qui se bombardait "Best Rapper Alive" dès "Tha Carter II", un an après qu'il eût assis tout le monde avec l'impact d'un jeune vingtenaire capable de commettre l'album "Tha Carter". Une partie de votre rédaction préférée (à savoir Monsieur Checkspire et votre serviteur) aura eu l'occasion de le voir au Bataclan début mars pour son premier concert en Europe, arrivant sur scène comme un fauve, bientôt torse nu, extatique en diable puis entonnant son hymne salace 'Lollipop' : il possède en effet l'aura qu'ont peu de rock stars, et même si son public ne le fait pas tant remarquer, il dépasse de beaucoup la seule sphère du hip hop.

"I feel big" : une chose est sûre, Lil Wayne n'a pas peur de se confronter aux géants. Il partage le même patronyme que Jay-Z ? Pas de jalousie en affaires, Shawn Carter est invité depuis ses studios de Brooklyn à secouer un couplet du bien nommé 'Mr Carter'. Est-ce par contrat ? L'histoire ne le dit pas, mais la magie du New-Yorkais, toujours réelle, paraît bien terne à côté de l'aisance d'un Lil Wayne, qui ne semble jamais trop forcer ; à la fin du morceau, il fait tous les personnages en une phrase. Et comme il confesse aimer être incompris, celui qui va par le surnom de Weezy provoque en convoquant la céleste voix de Nina Simone pour qu'elle l'accompagne sur 'Dontgetit' (avec le superbe refrain de la chanson 'Don't Let Me Be Misunderstood' par la diva soul).

"Respect is in the heart" : comme aurait pu dire le doc de Difool, après le temps des hormones vient le temps des points noirs. Pour le disque qui nous occupe, c'est une irrégularité agaçante, un détachement qui flirte avec la nonchalance, voire, la négligence de son auditeur. Et une volonté plus ou moins assumée de ne jamais trop approfondir. Exemple : Kanye West (oui encore lui) concocte une production acidulée pour 'Comfortable' ? Voilà Weezy qui déraille un peu en voulant chanter par dessus les voix R'n'B. Ainsi ce qui est aussi, hélas !, à retenir de ce disque, c'est l'absence totale d'intérêt des morceaux où Lil Wayne abaisse un peu le niveau de son exigence au micro. Le voile tombe alors sur des productions bien pâles, de nature souvent anecdotique et qui sont surtout présentes en faire-valoir du Nouvel-Orléannais. Le soufflé retombe. Mais il faut reconnaître que bien peu sont capables de le faire monter si haut par endroits.

Billyjack
Juillet 2008
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Label: Cash Money Records
Production: Maestro, Andrews Correa & Infamous, Bangladesh, Play-N-Skillz, Kanye West, Swizz Beatz, Cool & Dre, Robin Thicke, Deezle, D. Smith, Devid Banner, Streetrunner, The Alchemist.
Année: Juin 2008

01. 3 Peat
02. Mr. Carter (feat. Jay-Z)
03. A Milli
04. Got Money (feat. T-Pain)
05. Comfortable (feat. Babyface)
06. Dr. Carter
07. Phone Home
08. Tie My Hands (feat Robin Thicke)
09. Mrs. Officer (feat. Bobby Valentino)
10. Let The Beat Build
11. Shoot Me Down (feat D. Smith)
12. Lollipop (Feat. Static Major)
13. La La (feat. Brisco & Busta Rhymes)
14. Playing With Fire (feat. Betty Wright)
15. You Ain't Got Nuthin' (feat. Juelz Santana & Fabolous)
16. Dontgetit

Best Cuts: 'Mr. Carter', 'Let The Beat Build', 'Dontgetit'

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