Godfather Don
The Nineties Sessions [Rare Demos & Tracks]

Présent sur plusieurs projets influents dans le courant des années 90, Godfather Don n'en est pas moins une figure peu connue de la scène new-yorkaise. Malgré son pedigree, son travail semble aujourd'hui se résumer pour beaucoup d'auditeurs à quelques apparitions incontournables. Il faut dire que dès "Hazardous", son premier album solo entièrement réalisé par ses soins et paru en 1991, il passe relativement inaperçu ; Select Records ayant jugé qu'il n'était pas nécessaire d'investir dans un jeune rappeur comme lui (Don ne sera même jamais payé pour ça et pour tout inégnieur du son, on lui proposera Greg Gordon, un spécialiste rock avant tout). Pour autant, la qualité de ce premier jet est indéniable et lance de belle manière, au creux des oreilles les plus attentives, une carrière pour le moins prometteuse.

Sa rencontre avec Kool Keith marque le premier tournant de sa carrière, celui qui le mènera vers une participation dans deux projets incontournables. En 1993, c'est ainsi en tant que producteur qu'il officie sur de nombreux titres du troisième album des Ultramagnetic MC's ''The Four Horsemen'', profitant de l'occasion pour confirmer son talent derrière les machines. Mais Godfather Don reste surtout dans les mémoires pour sa contribution active aux Cenobites. C'est en 1995 qu'il rejoint Kool Keith (séparé de son ancien groupe un an auparavant) pour former le duo Cenobites dont l'album constituera la première sortie d'un petit label fondé par un jeune animateur radio et ancien membre du Rock Steady Crew. D'abord enregistré comme une vaste blague, cette poignée de morceaux va en effet taper dans l'oreille de Bobbito Garcia qui va tout faire pour offrir à son label Fondle'em une inauguration digne de ce nom.

Peu aprés l'aventure Fondle'em, Godfather Don lie sa destinée à celle d'Hydra Entertainment, label issu du Queens fondé par Jerry Famolari (à qui l'on doit aussi les découvertes de Screwball ou Gab Gotcha), avec lequel il signe pour la sortie d'une série de 12'' (dont les géniaux 'Styles By The Gram' et 'On The Other Side'), de plusieurs albums instrumentaux (la série des ''Hydra Beats'') ainsi que d'un nouvel album solo "Diabolique" qui voit le jour en 1998. Cette nouvelle phase est l'occasion de prendre un tournant pour GF Don. Alors que ''Hazardous'' s'attardait sur le versant jazzy le plus lumineux du savoir-faire de Don pour renforcer une ribambelle d'egotrips à l'aide d'une pléthore de riffs de guitares et de lignes de basse joués par le principal interessé, ce nouvel effort solo permet à Don de faire montre de toute sa créativité en réactivant quelques symboles déjà aperçus sur le projet Cenobites, mais en explorant avant tout un versant plus sombre de sa personnalité. Les morceaux sont beaucoup moins enjoués, l'urgence s'y lit de manière limpide et les thèmes abordés sont concentrés dans un éventail d'interprétation plus grave de la part de Don.

Mais la page est rapidement tournée. Don veut davantage se consacrer aux instruments dont il jouait bien avant la sortie de son premier album solo, si bien que la guitare et la basse prennent peu à peu dans son esprit la place de son flow dévastateur. Le travail des boucles l'ennuie et il voudrait porter son discours dans des sphères plus élevées, caressant le rêve (de son propre aveu) de parvenir à faire sonner ses mots comme pour retranscrire la beauté d'un saxophone. Mais son entourage ne semble pas vraiment réceptif à cette nouvelle inclinaison artistique. Peu à peu, il cesse toute activité avec Hydra puis disparaît de la scène rap par la petite porte, se retrouvant à produire sporadiquement quelques titres dans l'anonymat le plus total...

Mais vu la productivité du bonhomme dans les années 90, il existerait d'après le fondateur d'Hydra des dizaines de beats et de de morceaux enregistrés à l'époque qui seraient en train de dormir au fond de tiroirs. A l'instar des 17 morceaux de ce ''The Nineties Sessions'' justement. Rassemblés par Jerry Famolari, une poignée de ces morceaux démos sont enfin mixés sur cette sortie des archivistes No Sleep Recordings... et profitent enfin d'un petit lifting leur offrant la qualité sonore qu'ils méritaient.

Une initiative salutaire puisque la plupart des morceaux n'étaient trouvables que sur d'obscurs 12'' pressés par Hydra (en quantité infinitésimale) ou sur un projet parallèle orchestré par le webzine Diggers With Gratitude cette même année : un pressage vinyl ultra-limité (150 exemplaires) de 6 morceaux inédits réalisés par Don entre 93 et 97 (''The Slave Of New-York EP'') dont la majorité se sont frayés un chemin jusqu'à ce ''The Nineties Sessions''.

A son meilleur niveau, Godfather Don nous offre ce rap jazzy complexe et envoûtant agrémenté d'un flow détonnant emprunt d'un delay offrant à ses paroles un mysticisme de circonstance. Que ce soit sur le génial '7 Degrees Of Elevation' où Don nous offre une élévation de l'esprit et un voyage à travers l'univers onirique bâti par son esprit fécond, ou bien le long des quatre minutes trente du sombre 'Stuck Off The Realness' porté par le claquement puissant d'une caisse claire sur laquelle Don vient poser ses rimes avec une efficacité redoutable. Car outre ses dispositions de producteurs déjà éprouvées auprès de nombreux groupes, Godfather Don représentait dans les mid-nineties la quintessence typique new-yorkaise du rappeur habile de sa plume et de sa langue. Sa façon toute à lui de rebondir avec aisance sur la ligne de contrebasse de l'hypnotique 'Colors Of Death' est certainement l'une des manières les plus explicites de saisir en plein vol ce talent à l'état brut.

Ainsi, la sortie de cette "compilation" plusieurs années aprés toute cessation d'activité significative de la part de Don rappelle à notre mémoire qu'il fut lui aussi un des injustes oubliés du second age d'or de la Grosse Pomme. Pourtant, en un peu moins d'une décennie, Godfather Don a su imprimer sur le rap new-yorkais underground une marque hautement personnelle. L'oubli caractérisé dont il est la victime (si ce n'est pour ses méfaits au sein des Cenobites) est certainement dû à ce brusque arrêt et à un changement radical de direction, mais il était temps de réhabiliter l'auteur de "Hazardous" en cette époque où les archives envahissent franchement les bacs (pour le plaisir de tous). Au travers de son travail de sampling, Don avait voulu capturer avec doigté la beauté des morceaux de Coltrane et consorts sur lesquels il se penchait pour en récupérer l'essence, afin de parvenir à l'insuffler dans sa propre musique. Un hommage caractéristique d'une génération de producteurs/musiciens amoureux de la musique pour ce qu'elle véhiculait.

Absent des studios d'enregistrement depuis de longues années, Godfather Don semble être parti pour un ailleurs désormais, ayant sacrifié sa carrière pour ne pas avoir à mettre un prix sur la joie de composer la musique qu'il souhaite. En cette fin 2007, Hydra Entertainment et Don lui-même réactivent avec une évidente justesse les mémoires et offrent un éclairage substantiel sur une petite histoire qui aurait méritée un meilleur sort que d'être peu à peu oubliée d'une majorité de fans de hip-hop, tant GF méritait de se faire une petite place dans le grand livre des musiciens qui ont compté.

Newton
Janvier 2008
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Label: Hydra Entertainment
Production: Godfather Don
Année: Novembre 2007

01. Status
02. Do My Thing
03. 7 Degrees Of Elevation
04. The Architect
05. Do I Come Off
06. Forever My Lady
07. Stuck Off The Realness
08. Inverted
09. Listen Close
10. Colors Of Death
11. Sleep
12. Rip Dat
13. Memories
14. Assuming Dat
15. Step Up Front (feat. Mega Rat)
16. Sadistic
17. Burn (original version)

Best Cuts: '7 Degress Of Elevation', 'Colors Of Death', 'Stuck Off The Realness'

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