Sept
Amnésie

Même si Sept est là depuis un bon nombre d'années (qui a dit Cartel Despee?), ce n'est réellement que depuis sa prestation remarquée sur la K7 "Virus" que le bouche-à-oreille a pris des proportions importantes et que son nom est apparu de plus en plus souvent dans la liste des grands espoirs français. Ses deux apparitions remarquables sur la compilation "Maximum Boycott" lui ont donné l'occasion de prouver à tous que le potentiel était bien là mais aussi la maîtrise et qu'il ne lui manquait donc qu'un long format pour dévoiler toutes ses facettes et répondre aux attentes d'un public appâté. Avec le soutien de De Brazza Records, Sept peut enfin franchir ce cap et nous livrer son premier LP : "Amnésie".

Ce qui frappe d'emblée, c'est la qualité et la maturité de l'écriture de Sept. Dès les premières mesures, on reste pantois devant les sentences déclamées par Sept. Alliant subtilement argot, vocabulaire épistolaire et parler quotidien tout en évitant de sonner trop "écrit" et en gardant un côté spontané, Sept réalise un tour de force rare. Portés par un flow fluide et une diction claire, ses textes enchaînent les idées sans pause abordant en quelques rimes un sujet pour le laisser au bord de la route, puis passer à autre chose et y revenir quelques titres plus loin. Cette structure labyrinthique pourra déstabiliser au premier abord mais elle permet à Sept de dresser de sa voix grave un autoportrait en filigrane de ses idées et de donner une réelle cohérence à ce premier album. Les titres se nourrissent les uns des autres comme cela est devenu trop rare aujourd'hui. Sur une basse chaude et une boucle de cuivre qui nous mettent d'emblée en confiance, son 'Introdiction' lui permet d'esquisser rapidement son univers textuel entre constat amer des réalités actuelles et bons mots. Stigmatisant les wack mc's vendus au système mais aussi leurs relais médiatiques ('Amnésie'), portant un regard acide sur les arènes de la politique française ('Les règles de l'art'), passant au crible les inégalités et les oppressions de notre civilisation ('La logique du chrono', 'Nécropole'), mettant en avant les failles d'un système qui préfère jouer la répression plutôt que la prévention ('Vice Etatique') et où quelques serviteurs zélés de l'état abusent de leur pouvoir dans l'impunité ('Pièces à conviction'), Sept aborde les sujets qui lui tiennent à cœur sans tomber dans la critique facile ou les complaintes de cage d'escalier. Il écrit des textes forts et denses sur lesquels il faut revenir plusieurs fois pour en saisir toute l'ampleur… tout en s'accordant quelques rares moments de détente (comme le salace 'Trois Crevards' ou l'hommage au 'Hip-Hop').

Entièrement confectionné à Bordeaux par le parisien exilé, "Amnésie "est l'occasion pour Sept de s'entourer de ses connaissances majoritairement girondines (déjà remarquées pour la plupart sur "Maximum Boycott" entre autres). Lorsque Sept s'associe au Grems d'Hustla, on a évidemment le droit à un sommet. Alors que Jey agence une production sur-mesure, oppressante et schizophrénique, 'Spirale de l'escalade' nous plonge dans l'état d'esprit d'un homme au bord du gouffre psychologique glissant doucement vers le point de non-retour. Lorsque le mégafor Jouage se joint en plus à eux pour une succession d'instantanés de la vie dans les quartiers populaires, on obtient le très bon 'Le Mépris'. Cependant, tous les invités ne tiennent pas la comparaison avec le maître de maison et on regrettera l'inclusion de certains couplets qui font clairement tâche au bilan (on pense notamment aux freestyles glissés en fin de morceau par endroits). Mais cette abondance de nouvelles têtes a l'avantage de donner de la couleur à l'ensemble… Car certains reprocheront probablement à Sept une trop grande linéarité dans le flow et dans le ton professoral de sa voix. Mais comme il le dit clairement, dans ses livres, "le sens détermine les rimes, leur placement dresse un flow". Entièrement au service de ses textes, son phrasé habile joue des sonorités sur le rythme, plaçant ça et là les allitérations avec précision.

Pour apporter un contrepoids à la grande cohérence des propos de Sept, ce dernier s'est entouré d'un panel de producteurs large, peu connu mais indéniablement doué. Jouant dans des registres connus, les différents intervenants habillent leurs sons de couleurs souvent inédites en France et maintiennent au long de l'album une qualité haute. Du style rentre-dedans de MJM (auteur du très bon 'Amnésie') à l'apport du fonkyclapper Steady ('Le Mépris') en passant par l'éventail de styles affiché par Kilab et par le travail remarquable de Jey (le crépusculaire 'Vice Etatique', l'intrigant 'La logique du chrono' et la perle épileptique 'Nécropole') ou Sir-Yu ('Dans un désert' et son break d'orgue irrésistible, 'Le Mépris'), l'auditeur a le droit à un réel foisonnement de bonnes productions. Les rythmes sont ainsi bien équilibrés; les productions sont toutes clairement au-dessus de la moyenne hexagonale et on prend un plaisir certain à écouter cet album sur toute sa longueur. Le travail est à saluer.

Finalement, que dire? Sinon que "Amnésie" est sans conteste possible une des meilleures surprises de cette année et qu'elle confirme le regain de forme de la scène française indépendante. Constant, bien produit, chargé en textes de qualité, évitant les écueils dans lesquels tombent trop de nos emcees compatriotes, cet album (et par là même son auteur) s'impose comme une valeur sûre.

Cobalt
Juillet 2003
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Label: De Brazza Records
Production: Kilab, Jey, Sir-yu, Steady, MJM, Le Fonky Astronaute, Microb
Année: Mai 2003

01. Introdiction
02. Amnésie
03. Vice Etatique (feat. Iraka 20 001 & El Ness)
04. Le Mépris (feat. Hustla)
05. Les Règles De L'Art (feat. DJ Vex)
06. Hip-hop (feat. D'Oz)
07. Ego Sans Trique (feat. Rhaptaman)
08. Dans Un Désert
09. Nécropole
10. Noy-Otage (feat. Kilab, Iraka 20 001, User &Microbe)
11. Pièces à Convictions (feat. El Ness)
12. La Logique Du Chrono
13. Spirale De L'Escalade (feat. Grems & DJ Vex)
14. Trois Crevards (feat. Bilen & Kilab)
15. Qui Flingue L'Espérance? (feat. Dr Slang & Da10Keus)
16. Olympe Moutain -1 + Remo [Mixtape Lyrical Teknik]
17. Dédie Casse (feat. Pearly)

Best Cuts: 'Nécropole', 'Amnésie', 'Dans Un Désert'

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