Débruit
To Nartik Kef!

Voilà trois mois que je tourne autour de cet album. Ou plutôt du disque, oui, je tourne autour de l'objet. Je l'observe plusieurs fois par semaine avec concentration et circonspection, comme si ce montage de photos et de couleurs voulait me dire quelque chose que je ne semblais pas apte à déchiffrer. Et puis je le remets à sa place. Il est rangé entre le dernier Busdriver et l'album de Cash Money & Marvelous "Where's The Party At?". Ce détail de la plus haute importance nous révèle le chaos qui règne dans ma discothèque. Et ce jaune, qu'est-ce qu'il essaie de me dire?!!! Cette main tendue, qui a l'air sympa avec ça, quel chemin indique-t-elle? Bon Dieu, le lithium ne fait plus effet. Je délire.

Ok bon, on reprend. Mieux que ça. On se complique la vie parfois. Ne sachant pas l'aborder, ne trouvant pas la phrase clé qui pourra m'ouvrir la voie pour en décortiquer tous les aspects, j'ai surtout tourné autour du pot, pas du disque. Mais je suis lancé là. J'y vais.

Dès le début, Débruit déboule avec un son qui n'a de cesse de s'échapper du chemin qu'on aurait voulu lui imposer. Ce son, c'est 'Dérailleur'. Bien trouvé. Introduction comme il se doit à l'univers musical du breton, parigot à ses heures perdues. Ici, tout s'emballe dans tous les sens, tout se mélange dans un concerto désaccordé de synthés et hi-hat fous qui trouvent l'harmonie juste au travers de quelques riffs d'une guitare hispanisante. Un melting pot coloré et dansant, ce qu'il faut de rythme pour vous déboîter une hanche si toutefois vous vous risquiez à suivre les échanges nerveux des kicks et autres snares et de les appliquer à ce super pas de danse que vous êtes en train de formuler. Ne le tentez pas, vous êtes prévenus. Bref, on est vite dans le bain. Et mieux vaut savoir nager.

Mais ne vous inquiétez pas, car il y a aussi de la douceur dans le monde de Débruit. Du romantisme même. Et il est très rassurant de voir que dans ce registre, Débruit peut aussi en démontrer. C'est au travers des pistes instrumentales qu'il dévoile une riche palette de sensations. J'en veux pour preuve ce mélange entre un folk doucereux et les tourbillons d'une musique électronique qui joue la saccade sauvage mais maîtrisée, et qui donne lieu à quelques étincelles. 'Lotissement', 'Fraîche Douleur' et 'Disroe' sont de celles là. Amusant de noter que dans chacune de ces productions, l'artiste fait appel aux sonorités chaudes des guitares espagnoles ainsi qu'à des passages découpés de chants traditionnels ('Fraîche Douleur', 'Disroe'). C'est là le résultat parfait d'une synthèse bien digérée entre le monde électronique et des éléments à saveur acoustiques. C'est aussi dans ce mariage heureux et malin que repose l'originalité du travail de Débruit, et qu'il peut se targuer de pouvoir toucher un public aussi divers que pointu.

Trois participations vocales à l'affiche. Un choix judicieux pour placer une couleur en plus dans l'arc-en-ciel musical de l'album et ne pas cantonner le projet à une caractérisation simpliste. L'accent espagnol laisse encore une fois son empreinte à travers les rimes du emcee Zentinela sur 'Alim'. Mais comme je n'hablo pas trop español, je me contenterai de constater que ça manque cruellement de punch. Dommage, parce que la production de Débruit elle, avait tout pour procurer un torticolis. Sur 'Accable', Soklak lui, trouve le truc et le flow qui faisait défaut à l'espagnol pour vraiment élever la production de l'artiste. Et ça marche cruellement bien. L'apparition d'Eriksolo sur 'Get Blum' est à ranger à coté de celle de Zentinela. En effet, lui non plus ne trouve pas la formule juste pour contredire ce que l'on pourrait plutôt définir comme "un acte de présence" qu'une participation active. Et c'est encore une fois à regretter. Parce qu'on se prend facilement au jeu de "kijoraivuladessus", et là, la réponse est évidente: Busdriver ou encore une fois notre Black Adam à nous, Giovanni Marks. Bref des gars loufoques aux flows fous et flamboyants.

Vous l'aurez donc compris, c'est au travers des pistes instrumentales que Débruit réalise le meilleur de son disque, mais les quelques légèretés de l'album ne sont pas toutes à lui imputer, loin de là. Le casting des MC's, Soklak mis à part, n'a pas su se montrer à la hauteur du défi que leur a proposé le talentueux producteur breton. Car en effet ses productions, semblables à des étalons sauvages qui n'attendent qu'à être domptés, n'ont pas toutes trouvé ici les cowboys capables de les chevaucher. Mais nul doute que cette galette ouvrira l'appétit de quelques excités du micro bien décidé à en découdre avec les sons incontrôlables de l'artiste. L'album quant à lui se poursuit avec un joli 'Offbeat Hearted' qu'on aurait néanmoins préféré entendre illustré de quelques rimes abstraites. Puis vient la conclusion avec 'Hyperplasie', piste à nouveau marquée par un jeu déluré de trouvailles électroniques mariées à des cuivres lancinants, le tout surplombé par un beat composé à la bouche. Laquelle?! On ne le saura jamais.

Concluons. Tout est maîtrisé : le travail de composition, de découpage, de montage ; tout ici est réalisé avec soin et avec sens. Il ne fait donc aucun doute que "To Nartik Kef!" est une pépite au niveau de la production, et cela même si les participations ne sont pas toujours judicieuses. La question est: pourquoi diable ce disque n'a pas vu le jour dans une structure qui lui aurait offert un rayonnement plus important et ultra mérité?!! Peu importe au fond, car ce premier essai très prometteur marque bel et bien la naissance d'un producteur qui a tout en main pour faire mal dans un futur très proche. Vous serez en effet heureux d'apprendre qu'il fait désormais partie de l'écurie B.E.A.R, le label de Subtitle, et qu'un nouvel album devrait voir le jour à la fin de l'année si tout se passe bien. Now you know : ça va cogner!

Finesse
Mai 2007
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Label: Géostatism
Production: Débruit
Année: Octobre 2006

01. Dérailleur
02. Alim (feat. Zentinela)
03. Lotissement
04. Accable (feat. Soklak)
05. Fraîche Douleur
06. Get Blum (feat. Eriksolo)
07. Disroe
08. Offbeat Hearted
09. Hyperplasie

Best Cuts: 'Dérailleur', 'Lotissements', 'Disroe'.

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