LoDeck
Dream Dentistry

Avec "Bash It", LoDeck a sans mal inscrit son nom dans la liste des emcees new-yorkais les plus extravagants et intéressants de ce nouveau millénaire. Alors soutenu par les productions des maîtres de maison d'Embedded Studios, il s'était fendu de petites merveilles comme 'Today' qui continuent de tourner sur nos platines trois ans après. Désormais signé sur Johnny 23 Records, LoDeck a discrètement ressurgi de l'ombre cet été avec un nouvel album issu des recoins les plus sombres de son esprit tordu. Sorti sans promotion et horriblement mal distribué, "Dream Dentistry" mérite pourtant bien plus d'attention qu'il n'en a reçu jusqu'ici.

Exit Ese & Hipsta. Enter Chum Chopz. Si Blockhead se voit confier 3 confections sonores (dont le grandiose 'Applause'), le producteur principal de cet opus est bien ce nouveau venu. Inconnu au bataillon, Chum Chopz fait pourtant forte impression. Dans un registre plus crade et oppressant qu'Embedded, il imprègne l'album d'une sonorité caverneuse et lourde où les basses et les rythmiques se font souvent écrasantes et où le minimalisme apparent cache un réel travail sur les atmosphères. En se risquant à des comparaisons hasardeuses, on pourra voir par endroits un peu des Beatminerz grande époque dans le Chum Chopz d'aujourd'hui… toutes proportions gardées bien entendu. Les relais assurés par Big Deep et Phrieq aux manettes s'avèrent aussi réussis et LoDeck se retrouve donc réellement bien fourni en beats. Parfois martial ('Watchtower'), parfois plus embrumé ('Connecticut Breakdown'), le son est volontiers ponctué de sonorités étranges : modulations de fréquence sur 'Inside The TV', guitare fluctuante au charme bancal sur 'Love', sample inversé sur 'Dream Dentistry', accordéons trippants de 'More Accordions', effluves orientales irrésistibles de 'World Mirage'… Toutes ces petites touches bizarres nous mettent en condition pour les rimes hallucinogènes de LoDeck.

Ne collant plus à proprement parler à des thèmes (sauf sur 'Love'), LoDeck préfère en effet laisser ici libre cours à son esprit fantasque et ouvrir grand les vannes à punchlines. Son flow hors du commun débite les obscénités et les bons mots avec une aisance confondante et une énergie intarissable. De sa voix rugueuse imposante qu'il module à volonté, il catapulte ses images décalées et son humour noir avec conviction. Décousues, psychopathes et souvent hilarantes, ses rimes semblent parfois sortir tout droit de ses rêves… Des rêves qui s'avèrent plus proches de visions sous LSD que de paysages féeriques. Il suffit d'une écoute attentive du diabolique et meurtrier 'Watchtower' pour se convaincre que l'esprit de LoDeck est quelque peu déviant… L'album s'écoute comme une longue plongée en apnée dans les pensées distordues du emcee new-yorkais. Provocateur de grande classe, LoDeck infuse ses textes d'une franche et joyeuse misogynie doublée d'une affection certaine pour les images d'horreur. Inventif et définitivement fou, il nous a encore réservé quelques lignes mémorables. On ne peut résister à la tentation d'en coucher quelques-unes sur le papier. Comme ce "It's all love, like statutory rape" qui scelle magistralement les retrouvailles microphoniques de LoDeck et Mac Lethal ou alors ce "I slit my wrists with a mirror to reflect what I write". Ou encore un "Some feel knowledge is a weapon/ How dumb?!/ A weapon is a weapon/ Knowledge is for fun" qui ne laisse aucun doute quant à l'attitude désinvolte d'un LoDeck naturellement talentueux. On s'arêterra là pour ne pas vous gâcher le plaisir d'en découvrir quelques autres…

Après un EP majeur, LoDeck confirme donc tout le bien qu'on pouvait penser de lui et signe avec "Dream Dentistry" un album dense, homogène, cohérent et étrange qui reflète mieux que jamais sa personnalité unique. S'affranchissant sans heurt des productions d'Embedded, il gagne même au passage une touche sonore plus originale et adaptée à son imagination traumatisante. Avec tous ces points positifs et aucune faute de goût réelle (même pas un bonus track un peu en deça), il serait vraiment dommage de passer à côté de ce "Dream Dentistry" qui réserve une expérience auditive bien plus excitante que l'immense majorité des sorties actuelles et impose LoDeck comme un des artisans les plus brillants du renouveau rapologique de la Grosse Pomme. Partez donc à sa recherche et passez faire un tour au cabinet du bon docteur LoDeck.

Cobalt
Septembre 2003
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Label: Johnny 23 Records
Production: Chum Chopz, Blockhead, Big Deep, Phrieq.
Année: Juin 2003

01. Applause [Intro] *Gangsta Teeth Interlude
02. Watchtower (feat. Jakprogresso)
03. Inside The TV
04. Break Guitars
05. Love
06. Connecticut Breakdown
07. Dream Dentistry
08. Feed Me Grapes (feat. Afra)
09. World Mirage
10. Word Is Virus (feat. Paramount & Mac Lethal) *More Accordions Interlude
11. Beautiful Disease
12. Booz [Outro]
13. Hygene (feat. Breez Evahflowin & Big Justo Lanes) [Bonus Track]

Best Cuts: 'Applause', 'Inside The TV', 'Break Guitars'.

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