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Biographie d'un renouveau rap



Quand, en 2000, James Delleck et Tekilatex conviaient une ribambelle d’artistes loufoques à partouzer sur une K7 ("L’Antre De La Folie"), on était encore loin d’imaginer ce qui allait se passer. Alors que le rap français s’assoupissait tranquillement, entre recopiage, misérabilisme et "représentation" (vous savez, cette fâcheuse manie de donner son code postal à chaque intervention...), un projet confidentiel allait ouvrir la scène à de nouveaux porte-drapeaux opportunistes, désinhibés et talentueux.

Loin des poncifs qui étaient venus, années après années, contaminer le rap, mais avec la même sincérité que celle affichée et défendue par les "pionniers" du "mouvement" (le smurf, le Globo, tout ça…), TTC, le Klub Des Loosers, La Caution, James Delleck et leurs amis et filleuls – bercés par NWA, Cindy Lauper, Daniel Balavoine et le Juice Crew et encouragés par les nouveaux indépendants du Rap nord-américain – s’imposèrent rapidement en missionnaires de la dernière chance, en secouristes ultimes d’un rap hexagonal en dernière phase de décomposition.

Heureusement pour nous (et pour eux, du coup), "L’Antre De La Folie" n’était qu’un apettizer. Dans la foulée, suivront un EP prometteur de James Delleck ("Acouphène"), une poignée d’apparitions parfois presque révolutionnaires des parrains TTC et "Asphalte Hurlante", premier véritable plat de résistance. Opus annonciateur, disque-transition idéal (entre rap de rue érudit et musique du futur, imbibée de gazole), le premier album de La Caution, chef de file de la structure Kerozen, se voulait un ultimatum, une dernière leçon de savoir-faire adressée à toute une scène déjà fainéante et rabougrie.

Devant une oisiveté persistante, les trois de TTC emboîtent le pas. D’abord, en offrant trois successeurs de poids au maxi 'Game Over'/'Trop Frais' ; puis, en parachutant un premier long format dévastateur et dadaïste ("Ceci N’est Pas Un Disque"), cristallisant une inventivité à toute épreuve, une farouche envie d’ébranler et une complémentarité fabuleuse. S’y illustrent trois mc's hors normes et une palette de producteurs égorgeurs au premier rang desquels la paire Tacteel/Para One ("Baise Une Boucle").

«Dans quelques temps, tout le monde fera ce qu’on fait, attends simplement que tout le monde écoute, analyse et voit ce qu’on fait»

Les laboratoires n’ont pas le temps d’être aérés que sort "Cadavre Exquis", album réunion de La Caution, TTC et Saphir le Joaillier. Ce posse d’un nouveau genre, portant le soubresaut "gilliamien" de L’Armée des Douze livre un album providentiel, ponctué de punchlines surréalistes et produit de la meilleure des manières par une équipe de metteurs en son survoltés emmenée par un Nikkfurie (jeune diplômé en terrorisme sonique) au sommet de son art.

L’anti-mc Fuzati, versaillais d’origine et dépressif d’adoption, devenu membre unique du Klub Des Loosers, recouvre d’une bile acide la dépouille vacillante du rap français avec son "Baise Les Gens EP ", hors d’œuvre idéal à un premier album tant attendu. Entre temps, La Caution se risque à l’exercice de la collaboration en acceptant l’invitation des électroniques de Château Flight ("Crash Test"), TTC se fait remixer par Diplo, Detroit Grand Pubahs et Octet, le jeune combo Hustla dépose un second opus on ne peut plus encourageant ("Sonophrologie"), Orgasmic découpe des chiches-kebabs ("Est Secrètement Amoureux De Vous"), Detect revisite la Westcoast Underground ("Triple Threat") et Tacteel se fait courtiser par Lex records, petit frère du géant Warp. Rien que ça.

En 2003, le même Tacteel (échappé du zoo ATK avec Cyanure) crée avec quelques amis (dont Tekilatex) une usine a hits undergrounds avec le label Institubes, attestant de l’ambition des protagonistes engagés dans cette lutte contre l’ennui rappologique. L’album de L’Atelier ("Buffet Des Anciens Elèves") - assemblée de rappeurs malades aux rimes amphigouriques - essuie les plâtres avec la manière et une insolence démesurée, dépeçant le rap et célébrant la paire Fuckaloop comme le combo de concepteurs le plus excitant du moment, le flow élastique du Mc Cyanure et les punchlines sous Prozac de Fuzati.

Para One y va de son projet solo et met en son un "Beatdown EP" prodigieux, qui augure du meilleur ; Delleck épouse Le Jouage (Hustla) pour une idylle kubrickienne ("Gravité Zéro") ; Fuzati – quant à lui - se trompe de bouton et vomit un "Femme De Fer EP" indigeste et peu rassurant tandis que les imparables TTC s’associent aux deux de dDamage pour 'Trop Singe', tube simiesque et affichent de nouvelles prétentions en pondant "Dans Le Club", bande-annonce alléchante d’un deuxième LP prévu pour le premier trimestre 2004.

Kreme
Janvier 2004

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